Echaudé par les polémiques autour du "mariage pour tous", et par les querelles autour de la complémentarité supposée de l'homme et de la femme, "évidence" pour les uns, idéologie "essentialiste" remise en cause par l'évolution des connaissances académiques pour les autres, j'ai décidé de m'initier aux "études sur le genre".
J'ai donc acheté il y a quelques semaines une Introduction aux études sur le genre, et commencé à établir un programme de lecture pour cette année, qui comporte divers manuels et essais importants de ce nouveau domaine de la recherche universitaire.
Je n'ai pas encore complètement terminé ma première lecture dans ce domaine. Les chapitres que j'ai lus m'ont cependant donné une idée plus claire de la signification que ces études donnent au mot "genre", et de leur approche de la partition des sexes.
Voici ce qu'il m'a semblé comprendre pour l'instant, et les réflexions que j'en retire en tant que catholique:
Contrairement aux affirmations ineptes d'un article du Figaro paru dimanche, elles n'ont pas pour objet d'"[établir] une distinction entre l'identité sexuelle biologique et l'orientation sexuelle qui [résulterait] d'une construction sociale et de choix personnels", ni de permettre aux hommes et aux femmes de se définir "comme tels après en avoir décidé et en fonction de leurs pratiques".
Si les études sur le genre interrogent effectivement de manière prioritaire la relation entre la sexuation biologique et la compréhension sociale de celle-ci, il semble qu'elles l'aient fait historiquement en deux temps, le second apportant des perspectives beaucoup plus radicales.
Dans un premier temps, jusque vers, si j'ai bien compris, la fin des années 1980, le genre est pensé au travers d'une dichotomie entre nature et culture: il y aurait d'un côté le sexe biologique, et de l'autre côté le genre social, qui se superposerait à lui et en altèrerait la compréhension. Comme la sociologue et militante féministe Christine Delphy le rappelle:
"Dans les années quatre-vingt, et maintenant encore, le sexe est conceptualisé comme une division naturelle de l'humanité - la division mâles/femelles -, division dans laquelle la société met son grain de sel. C'était aussi ma vision, c'est de là que comme tout le monde je suis partie. C'était déjà une avancée considérable que de penser qu'il y avait, dans les différences de sexe, quelque chose qui n'était pas attribuable à la nature" (Chistine Delphy, L'ennemi principal 2: penser le genre, p. 25, citer dans Introduction aux études sur le genre,L. Berenini, S. Chauvin, A. Jaunait, A. Revillard, 2ème édition, 2012, De Boeck, p. 28)
Puis, au fil des années, cette dichotomie entre nature et culture, qui repose sur le donné apparemment biologique et intangible de la division entre sexes mâle et femelle apparait aux chercheurs en études de genre de moins en moins pertinent pour comprendre cette partition de l'humanité, posée par notre société, en deux blocs distincts. Au point qu'ils en viennent à mettre en évidence une origine sociale de la partition des sexes, et à définir le "genre" comme le principe qui préside à celle-ci
"Avec l'ensemble de ces travaux s'observe un changement notable dans la manière de concevoir la dyade sexe/genre. Non seulement le genre - sexe social- n'est pas déterminé par le sexe, mais le sexe lui-même n'est plus appéhendé comme une réalité naturelle. Cette démarche considérant le sexe comme déjà social invite, comme le souligne Christine Delphy, à déplacer le regard "des parties divisées vers le principe de partition lui-même". Chez Delphy, en effet, le genre ne désigne plus simplement les "rôles de sexe"individuels, mais le système qui produit ces sexes comme deux réalités sociales distinctes. Le nouveau paradigme du rapport sexe/genre transforme donc la notion de genre qui ne saurait plus désormais être identifiée à celle d'un "sexe social"." (op. cit., p.30)
"Historiquement, identifier le sexe de quelqu'un n'es tpas aussi simple qu'il y parait. D'un point de vue anatomique, il arrive que les parties génitales d'un individu s'avèrent indéterminées. Nombreux sont les auteurs à également souligner la pluralité irréductible des critères de détermination du "vrai sexe" d'une personne: l'anatomie (pénis/vagin), les gonades (testicules/ovaires), les hormones (testostérone/oestrogènes), l'ADN (chromosomes XY/XX), et aujourd'hui l'organisation du cerveau humain. En affinant l'enquête, l'évidence se dérobe: chacun de ces marqueurs scientifiques ne permet pas de donner une définition sûre du sexe. La combinaison de ces critères utilisés pour expertiser le sexe varie dans l'histoire et suivant les sociétés. [...] Il existe donc plusieurs données dont la matérialité biologique est certes incontestable, mais qui ne suffisent pas à déterminer le sexe en tant que tel, ou à conclure a fortiori qu'il y a bien deux sexes opposés: "Le sexe d'un corps est tout simplement trop complexe. Il n'y a pas de ou l'un/ou l'autre", écrit la biologiste Anne Fausto-Sterling. La raison en est simple: si ces données sont d'ordre biologique, le travail par lequel elles sont liées ensemble et unifiées est en revanche social: "On ne trouve pas ce marqueur [le sexe] à l'état pur, prêt à l'emploi... pour se servir du sexe, qui est composé, selon les biologistes, de plusieurs indicateurs, plus ou moins corrélés entre eux, et dont la plupart sont des variables continues - susceptibles de degrés - il faut réduire ces indicateurs à un seul, pour obtenir une classification dichotomique. [...] cette réduction est un acte social". [...] Le sexe n'est pas une catégorie physique isolable des actes sociaux par lesquels nous le constituons en réalité pertinente et visible de nos pratiques. Mais si les corps sont en permanence "sexués", c'est non seulement au sens où leur différencesont rendues pertinentes par un certain régime de genre, mais c'est aussi au sens où ils sont rendus physiquement conformes aux caractéristiques qui définissent pour nous les "sexes". C'est à ces deux égards au moins qu'on peut affirmer, avec plus de rigueur, que le genre construit le sexe." (op. cit., p. 34 à 39)
Deux exemples donnés en appui de cette analyse m'ont particulièrement marqué:
- Les cas d'ambiguités sexuelle dans le contexte des compétitions sportives, et les "tests d'identité sexuelle":
"Ainsi, le Comité international olympique (CIO) exigeait-il des compétitrices qu'elles produisent un "certificat de féminité" permettant de s'assurer qu'elles étaient bien des femmes. Jusqu'en 1968, les athlètes devaient souvent défiler nues devant un comité, et la présence de poitrine et d'un vagin suffisait en général à les certifier "femmes". Plus tard, confronté à des cas ambigus, le CIO rechercha une preuve "plus scientifique", en l'occurrence génétique, sans jamais réussir à éviter la survenue de cas difficiles" (op.cit., p. 35)
"Le sexe d'un embryon est déterminé très tôt dans son développement. Si certains gènes qui déterminent le sexe sont présents, le foetus développera des gonades, qui, à leur tour, produiront de la testostérone. C'est la testostérone qui fait du fœtus un garçon. Normalement, les gènes importants pour cette différenciation se trouvent sur le chromosome Y. A partir des J.O. d'hiver de 1992, les officiels ont testé la présence d'un de ces gènes, appelé SRY (la région déterminant le sexe du chromosome Y) - si vous l'aviez, vous ne pouviez pas concourir avec les femmes. Mais ce test n'a pas marché non plus. La présence du gène SRY, ou même d'un chromosome Y, n'indique pas toujours qu'une personne est un homme. Certains individus nés avec un chromosome Y développent tous les traits physiques d'une femme à part les organes sexuels féminins. Ceci peut être le résultat d'une mutation d'un des gènes sensibles à la testostérone. Un individu atteint de cette disposition (appelée «syndrome d'insensibilité aux androgènes» [AIS]) peut bien posséder des chromosomes XY et même des gonades. Mais elle sera une femme, parce que son corps est insensible à la testostérone qu'il produit. Les autres symptômes du syndrome sont des organes génitaux sans poil et l'absence de règles. (Il y a des rapports indiquant que Soundararajan «n'avait pas encore atteint l'âge de la puberté»).[...]
A la fin des années 1990, le Comité international olympique (CIO) a commencé à faire des évaluations plus complexes menées par un panel d'experts pour prendre en compte toutes ces ambiguïtés. Le panel se constitue de gynécologues, d'endocrinologues, de psychologues et d'experts des questions de transgenre. Les officiels cherchent toujours les gènes du chromosome Y; les gynécologues pratiquent des examens médicaux; les endocrinologues diagnostiquent des mutations génétiques et des dispositions hormonales qui en sont le résultat; et les athlètes pourront recevoir du soutien psychologique si elles en ont besoin." ( Slate, "Comment vérifie-t-on l'identité sexuelle des athlètes?")
- Les "intersexués", et la chirurgie d'assignation des sexes:
"De manière tout aussi étonnante, lors d'une procédure chirurgicale concernant un enfant au "sexe" indéterminé, les critères pris en compte par le médecin peuvent s'affranchir de la génétique et déplacer le regard vers d'autres marqueurs plus directement orientés vers la conformation aux rôles de genre tels que la capacité à porter des enfants ou la taille des organes génitaux. Les analyses de l'intersexuation ont ainsi montré comment tous les jours, au travers de procédés chirurgicaux, des sexes indéterminés sont promulgués ou reconstruits en fonction de critères directement liés à la nécessité sociale de distinguer les hommes et les femmes. On prend ainsi en considération la capacité à uriner debout ou assis, les normes de la sociabilité masculine (taille du pénis), la capacité de pénétrer ou d'être pénétré.e, etc." (op.cit., p. 35).
Les opposants aux études sur le genre ne cessent d'invoquer le "bon sens" et l'assise "naturelle", "biologique" de la différence des sexes, et partant, de leur "complémentarité". Mais à partir du moment où la réalité biologique ne correspond plus à ce cadre, et qu'on la "corrige ", comme c'est le cas actullement, pour l'y faire rentrer, sur quoi fonde-t-on cette pratique, et la la partition stricte entre hommes et femmes qu'elle entend préserver, c'est-à-dire le "genre" ?
Certains l'interpréteront comme le symptôme d'une relation de pouvoir, du type dominant/dominé, et réfléchiront à des stratégies pour "déconstruire le genre": abolition du genre, extraction comme dans le lesbianisme radical, transexualisme, transgenderisme, "stratégie queer", etc.
L'Eglise, par opposition, à l'image d'autres traditions religieuses, choisit d'inscrire cette partition binaire des sexes, que les études sur le genre critiquent sévèrement, au coeur de son "anthropologie" (qui ne correspond pas à la discipline universitaire du même nom, ni dans sa démarche, ni dans les analyses actuelles de celle-ci), c'est à dire la vision de l'homme qu'elle défend dans son discours sur l'agir juste, moralement, en société, etc.
"N'est-ce pas irréaliste et même un peu "sadique" de demander à des personnes dont ce n'est pas le choix une continence absolue en matière sexuelle ?
Je ne vois pas comment le Magistère pourrait, aujourd'hui, dire autre chose puisqu'il ne reconnaît la légitimité des rapports sexuels que dans le cadre d'un mariage hétérosexuel indissoluble, ouvert sur la fécondité du couple par la procréation. Autant de conditions qui ne remplissent, évidemment pas, les personnes homosexuelles.
L'essentiel pour chacun, est d'essayer de comprendre en quoi ce que dit le Magistère, et au-delà la vie chrétienne, peut l'aider à vivre là où il en est pour être plus heureux. Car l'objectif final n'est ni de punir ni de contraindre, mais bien de permettre à chacun de guérir de la mésestime de soi, et d'entrer alors dans ce travail d'altérité et de bonne proximité, auquel nous sommes tous conviés.
Or, bien souvent, l'erreur est de croire qu'il suffirait à la personne homosexuelle d'une société tolérante et d'une vie de couple. L'expérience montre que les choses sont plus complexes. Par ailleurs, depuis l'exhortation apostolique Familiaris Consortio de Jean-Paul II, le Magistère reconnaît un principe de gradualité, de progressivité éthique en matière de sexualité. Ne tombons pas dans le piège du permis et du défendu. Grandir en humanité, pouvoir aimer dans une affectivité homosexuelle reste une démarche de liberté mais ne peut s'opérer sans respecter certains interdits fondateurs. Comme pour chacun d'entre nous.
C'est ce qui justifie l'hostilité de l'Eglise catholique, hier au Pacs, et aujourd'hui au mariage ou à l'adoption pour des couples homosexuels ?
Ce sont là des réalités différentes à ne pas confondre. On ne peut pas à la fois reprocher aux homosexuels une difficulté à se fixer sur une relation stable et instituée et leur contester le droit de bénéficier, précisément, d'une forme d'institution. Le Pacs est une aberration juridique. Mais il a le mérite de reconnaître, socialement, une forme de conjugalité homosexuelle distincte du mariage. Si l'Eglise dit non à l'un et à l'autre pour les homosexuels, c'est pour les raisons anthropologiques et symboliques évoquées plus haut.
Il serait dangereux de laisser croire qu'on peut se dispenser du principe fondateur de la distinction des sexes et des générations. Une relation homosexuelle, marquée par l'amour, si légitime et respectable soit-elle au niveau du vécu des personnes, ne peut pas avoir le même statut social qu'une relation hétérosexuelle. Prétendre le contraire, c'est laisser croire que nous aurions tout pouvoir sur le vivre ensemble, comme si aucune loi fondatrice ne nous précédait." (Véronique Margron, "Homosexualité qu'en dit l'Eglise?", sur le site Croire)
Cette réticence à valider des discours tendant à minimiser, voire à nier, le caractère naturelle de la différence des sexes est compréhensible sur le plan de la cohérence théologique et philosophique de son enseignement, dans la mesure où il lui est nécessaire pour fonder une conception du mariage orientée à la fécondité, et éviter de valider au moins implicitement une conception de la sexualité complètement indépendante d'un plan de Dieu pour l'homme. Ce qui l'est moins, c'est cette obstination à la proclamer comme "évidente", contre les acquis scientifiques contemporains rappelés ci-dessus (par exemple, la Congégation pour la doctrine de la Foi dans un document de 2003 intitulé: "Considérations à propos des projets de reconnaissance juridique des unions entre personnes homosexuels": "L'enseignement de l'Église sur le mariage et sur la complémentarité des sexes propose à nouveau une vérité évidente pour la droite raison et reconnue comme telle par toutes les grandes cultures du monde. [...] En premier lieu, l'homme, image de Dieu, a été créé « homme et femme » (Gn 1, 27). L'homme et la femme sont égaux en tant que personnes et complémentaires en tant que « masculin et féminin »."). En effet, ces cas de personnes qui sont à la fois hommes et femmes, ou qui ne sont ni hommes ni femmes, ils ne sont peut-être pas extrêmement répandus, quoiqu'apparemment beaucoup plus qu'on pourrait le penser, mais ils existent: ils sont une réalité concrète, factuelle, observable, reconnue médicalement. De même que ces autres personnes qui vivent dans un corps qui correspond à tel sexes et se sentent profondément, sans pouvoir rien y faire, sans pouvoir y remédier par un effort de volonté plus ou moins soutenu et continu, appartenir à l'autre sexe, ou à aucun sexe. Quelle place leur donner dans un discours qui définit comme une "vérité évidente pour la droite raison", de bon sens et indépassable, une partition qui n'a pas de place pour eux, qui définit la nature contre leur nature propre, le réel contre leur réalité propre?
Telles que que je vois les choses, la réponse est très simple: un tel discours, qui est celui aujourd'hui de l'Eglise, les relègue au rang de monstres. Ces personnes dérogent à l'"anthropologie" de l'Eglise, à sa vision de l'homme, en ce que leur nature ne correspond pas à sa définition de la nature humaine. Ce qui ne correspond pas à un état de péché, mais les situe de manière irrévocable dans le pathologique: une personne intersexuée doit être corrigée si possible; une personne dont la sexualité ne correspond pas au mariage comme complémentarité des sexes est priée de se cantonner à l'abstinence à vie.De fait, ces personnes, qui d'un strict point de vue biologique sont bien portantes, se voient considérées comme si elles étaient handicapées.
Et heureusement, l'Eglise a pour principe d'accueillir les handicapés et de chercher à leur donner une place positive, créatrice de valeurs en son sein. Et de fait, dans son discours actuel, elle ne cherche pas à criminaliser ces personnes qui ne rentrent pas dans les cadres qu'elle assigne à la différence des sexes et à la sexualité, mais à leur trouver un rôle qui atténue le plus possible leur souffrance:
"Néanmoins, selon l'enseignement de l'Église, les hommes et les femmes ayant des tendances homosexuelles « doivent être accueillis avec respect, compassion, délicatesse. À leur égard, on évitera toute marque de discrimination injuste ».(7) Ces personnes sont en outre appelées comme les autres chrétiens à vivre la chasteté.(8) Mais l'inclination homosexuelle est « objectivement désordonnée » (9) et les pratiques homosexuelles sont des « péchés gravement contraires à la chasteté ».(10)" (Congrégation pour la doctrine de la Foi, op. cit.)"
Mais à la différence des handicapés, leur souffrance et leur "handicap" ne préexistent pas à ce discours de l'Eglise, mais en dérivent et y sont liés de manière apparemment indissociable. C'est-à-dire que ce même discours qui les accueille crée en même temps leur situation de handicap, et cette souffrance que l'Eglise entend leur épargner au maximum, n'a de réalité ni de sens que dans la mesure où elles l'écoutent et le prennent au sérieux. Le discours de l'Eglise sur les aveugles ne fait pas perdre la vue à ces derniers, pas plus que l'engagement des catholiques envers les handicapés mentaux n'amoindrit les capacités intellectuelles de ces derniers. Mais la parole qu'elle porte sur les homosexuels, les transsexuels, les transgenres, etc. qui se veut accueillante et aimante, les transportent de la catégorie du normal vers celle du pathologique au moment même où elle est énoncée, en ce que et parce qu'elle est énoncée.
Alors certes, l'Eglise ne prétend rien "créer" par son discours sur la sexualité, mais s'appuyer sur une "loi naturelle", qui préexisterait à toute forme de convention ou de construction sociales. Sauf que comme nous l'avons vu, certains de ces cas dérogent sur le plan strictement biologique à la conception de la nature qu'elle défend. Par exemple les intersexués. "Heureusement", on peut les "corriger" au moyen de la chirurgie, et ainsi, au bout d'un certain délai, leur assigner artificiellement tel ou tel sexe. Sauf que cette "correction" n'est pas de nature purement biologique, puisque justement elle altère le biologique, mais sociale: il n'y a que des femmes ou des hommes dans la société, si on laisse un enfant indéterminé il sera malheureux, etc. Donc, c'est maintenant le social qui vient fonder le biologique. Sauf qu'un agir purement social, c'est un agir relatif, contingent, et que l'Eglise défend la possibilité pour la raison humaine de déterminer l'agir juste par ses seules forces. Le social doit donc avoir un fondement naturel... Et nous avons un discours qui nous est présenté comme "évident" et de "bon sens", mais qui me parait , à force d'y réfléchir, de plus en plus obscur et circulaire.
Alors je ne prétends bien évidemment pas juger l'Eglise, et je n'exclus nullement que ce soit moi qui ai tout simplement mal compris les arguments contre les études sur le genre. Mais un fait demeure: à partir du moment où elle pose des normes qui ne sont pas purement morales, qui touchent à autre chose que la différence entre le bien et le mal, par exemple quand elle définit certaines orientations, qui échappent à la volonté individuelle, comme "ordonnées" ou "désordonnées", elle produit de facto des monstres. Elle tient un discours violent, qui occasionne une souffrance et un sentiment d'exclusion à des personnes dont il semble qu'en son absence, elles auraient pu mener une vie plus heureuse et mieux intégrée. Un discours, qui, à bien y réfléchir, est l'équivalent social de coups et blessures entrainant une mutilation, puisqu'il définit de facto comme un handicap, comme un état pathologique, quelque chose que l'état actuel de la biologie et des sciences sociales présente comme un état normal.
Et peut-être cette violence est-elle éminemment défendable et ordonnée à un bien plus grand, voire souverain, qui correspond au plan de Dieu pour chacun d'entre nous. Il n'empêche que les questions que les études sur le genre adressent à l'anthropologie de l'Eglise sont légitimes sur le plan des SHS, sur celui de la biologie, mais aussi, et peut-être surtout, sur celui de la morale, car elles portent sur des violences qui sont faites à des individus, qu'on présente comme fondées en nature, alors qu'elles semblent répondre à des impératifs sociaux et non pas biologiques ni médicaux. Peut-être ont-elles tort de poser ces questions, et de remettre en cause cette violence, mais leurs critiques m'apparaissent suffisamment graves et argumentées pour mériter d'être davantage prises au sérieux qu'actuellement par les chrétiens. Et surtout, je pense qu'en tant que catholiques nous devons assumer cette violence de notre discours qu'elles révèlent, la méditer, être honnêtes et explicites à son sujet, envers nous-mêmes comme envers autrui, pour la dépasser et mieux dévoiler le bien vers lequel elle tente de pointer. Et malheureusement, dans toute cette polémique autour du "mariage pour tous", j'ai l'impression que nous passons beaucoup plus de temps à la minimiser, la dissimuler, voire la nier... Ce qui rend pour le moins difficile de convaincre nos contradicteurs de notre bonne foi...
Invité par "Franc Belge" à prendre connaissance de ton billet, je le fais, donc.
RépondreSupprimerLes observations spontanées qu'il suscite chez moi seraient les suivantes (de façon un peu rapide toutefois).
Ce que je lis des études de genre me semble relever jusqu'à un certain point de gentils truismes. Dire que la société a un impact sur la manière dont nous nous percevons homme ou femme ne nécessite pas véritablement d'études universitaires. Chacun aura biens ainsi que lorsque l'on dit à un petit garçon qu'un homme, ça ne pleure pas, on influence fortement sa façon d'être. Combien d'entre nous croient vraiment qu'il s'agisse là d'une réalité intangible, d'une principe supérieur et incontestable ?
Que le genre soit influencé socialement, ça ne me semble pas être une grande découverte. Là où je commence à bloquer sévèrement, c'est lorsque l'on aborde la question de la nature sociale du sexe. De ce qui transparaît dans ton billet, je trouve une erreur de raisonnement, que l'on retrouve également dans les débats en cours. J'ai toujours détesté l'expresison "c'est l'exception qui confirme la règle", comme si la règle a nécessairement besoin d'une exception pour exister, mais elle n'est pas totalement idiote. En l'occurrence, parce qu'il y a des exceptions, on voudrait non seulement repenser le cas général mais même le remodeler (cf les expériences décrites sur le fait de ne pas dire à un enfant s'il est garçon ou fille). La vie, la nature, produit des exceptions : le cas de la personne dotée d'un sexe biologique mais qui relève d'un autre en est une. Constater qu'une exception en est une n'a pas pour corollaire de l'ostraciser mais simplement de ne pas penser le cas général au nom de l'exception.
Qualifier, ensuite, l'exception de "monstre" dénote une certaine empathie de ta part, mais me semble très impropre. On peut avoir conscience d'une situation d'exception sans porter pour autant sur elle un jugement de valeur.
Après, je suis d'accord avec toi sur le fait que le propos de l'Eglise mérite d'être affiné. Quand bien même cela relève d'un vocabulaire propre à l'Eglise, je doute que la distinction entre ce qui est "ordonné" et ce qui est "désordonné" soit vraiment pertinente, en ce qu'elle laisse entendre qu'il existerait une forme de choix ou une indiscipline de la personne qui se "laisserait aller" à une pratique de vie "désordonnée".
Je pense que le plus important est de dire qu'il n'y ait pas de déterminisme.
SupprimerLe point de vue, des gender studies est le suivant:
on n'a pas de consensus scientifique sur la différenciation génétique des comportements H/F. Les sociologues ont fait ce qu'ils savent faire: étudier l'influence de la culture sur les relations sociales.
Ce point de vue n'est pas absurde, ils peuvent pousser leur hypothèse jusqu'au bout, s'ils ne peuvent pas tout expliquer par la culture, il restera forcément un résidu peut être explicable par la génétique.
On retombe dans le vieux débat "nature vs culture".
Au fond, ce n'est pas ce qui est intéressant.
Avant les années 60, on pensait que H et F avaient des qualités prédéterminées or on s'aperçoit que ce n'est pas forcément le cas.
Hommes et femmes peuvent exceller quelque soit le domaine.
1 femme ingénieure ne sera pas moins bonne qu'1 homme ingénieur.
De même 1 homme infirmier ne sera pas moins qu'1 femme infirmière.
Pour reprendre l'exemple de la Norvège, 1 quota de 40% de femmes a été imposé dans les conseils d'administration.
Les entreprises ne vont pas moins bien qu'avant.
"Ce que je lis des études de genre me semble relever jusqu'à un certain point de gentils truismes. Dire que la société a un impact sur la manière dont nous nous percevons homme ou femme ne nécessite pas véritablement d'études universitaires. Chacun aura biens ainsi que lorsque l'on dit à un petit garçon qu'un homme, ça ne pleure pas, on influence fortement sa façon d'être. Combien d'entre nous croient vraiment qu'il s'agisse là d'une réalité intangible, d'une principe supérieur et incontestable ?
SupprimerQue le genre soit influencé socialement, ça ne me semble pas être une grande découverte."
S'il s'agissait simplement d'étudier l'influence des conditionnements sociaux sur notre perception des différences entre hommes et femmes, cela resterait effectivement assez limité. Les études sur le genre vont beaucoup plus loin que ça: il ne s'agit pas seulement de déplacer le marqueur de qulques degrés sur l'échelle des différences entre les deux sexes: par exemple de dire que les hommes peuvent être aussi émotifs que les femmes, ou que celles-ci peuvent faire d'excellents joueurs de foot ou des commandos d'élite. Il s'agit de questionner dans son principe même cette idée que les sexes sont différents (et par extension, pour l'Eglise, "complémentaires). Ce que disent les études de genre, c'est que les particularités biologiques, bien réelles, sur lesquels nous nous appuyons pour classer l'humanité au sein de deux blocs, hommes et femmes, sont insignifiantes ou presque, et que cette classification, sous couvert d'une trompeuse "évidence" biologique, est un acte social. Et cet acte social de partition de l'humanité en deux blocs distincts, c'est ce qu'on appelle le "genre", et que les études de genre se proposent d'étudier. Sachant qu'elles ne forment pas vraiment une discipline ou une "théorie" particulières, mais qu'elles sont largement intégrées dans l'état actuel de la recherche en sosiologie, anthropologie, histoire, etc. etc..
Que le genre naissent d'un acte social ne signifie pas qu'on peut s'en défaire par un acte de volonté: même les partisans les plus acharnés du transgenderisme reconnaitront qu'ils n'arrivent jamais à se libérer complètement de la division entre hommes et femmes (cg le jeu des travestis tel que théorisé par Judith Butler: http://cafaitgenre.org/2013/01/09/judith-butler-meilleure-alliee-du-neo-liberalisme/ . Mais ça signifie que toutes sortes de distinctions, voire de "privilèges" qui sont posés comme "évidents" par le sens commun, et qui influe par exemple sur les processus de recrutement, peuvent être repensés en terme de relations sociales, voire en termes de rapports de pouvoir. Ce qui pour moi n'est nullement un "truisme" mais un déplacement de perspective assez radical, et franchement intéressant...
"De ce qui transparaît dans ton billet, je trouve une erreur de raisonnement, que l'on retrouve également dans les débats en cours. J'ai toujours détesté l'expresison "c'est l'exception qui confirme la règle", comme si la règle a nécessairement besoin d'une exception pour exister, mais elle n'est pas totalement idiote. En l'occurrence, parce qu'il y a des exceptions, on voudrait non seulement repenser le cas général mais même le remodeler (cf les expériences décrites sur le fait de ne pas dire à un enfant s'il est garçon ou fille). La vie, la nature, produit des exceptions : le cas de la personne dotée d'un sexe biologique mais qui relève d'un autre en est une. Constater qu'une exception en est une n'a pas pour corollaire de l'ostraciser mais simplement de ne pas penser le cas général au nom de l'exception."
SupprimerIl ne s'agit pas de penser le cas général "au nom de l'exception", mais de comprendre que cette dernière en dit long sur les présupposés de cette règle. On peut estimer que la "complémentarité des sexes" est un principe tout à fait excellent, mais on n'en dira pas la même chose selon qu'on la pense comme une "loi de la nature" intangible, une convention sociale meilleure que d'autres, un apport de la tradition chrétienne à notre nature imparfaite qui permet d'aller au delà pour se conformer à l'enseignement du Christ, etc. Il ne s'agit pas de remettre en cause une règle au prétexte qu'elle ne s'applique pas à tous, mais de reconnaitre que comprendre pourqioi elle ne s'applique pas dans certains cas permet de la percevoir, voire de l'appliquer, différemment...
"Qualifier, ensuite, l'exception de "monstre" dénote une certaine empathie de ta part, mais me semble très impropre. On peut avoir conscience d'une situation d'exception sans porter pour autant sur elle un jugement de valeur."
SupprimerLà, je ne te suis pas vraiment. Je ne crois pas qu'on puisse complètement séparer le jugement individuel du contexte dans lequel il s'inscrit. D'une part, quand on pose une norme, aussi bienveillant que l'on soit, on regarde à mon avis nécessairement ce qui y déroge comme un phénomène "anormal". Ensuite, quelque soit notre bienveillance envers, par exemple, un homosexuel ou un transsexuel, quelque soit notre sincérité dans notre désir de ne pas le juger, notre position sera différente suivant qu'on a été élevé dans une perspective où ces comportements sont des perversions, dans une autre où elles sont des maladires qui n'appellent pas un jugement moral mais médical, ou dans une autre où il s'agit de comportements absolument normaux. Un catholique totalement bienveillant et "tolérant" qui a été bercé par la seconde épitre aux corinthiens de Saint Paul aura un biais dans le reagard qu'il porte sur les homosexuels qui ne sera pas présent dans celui d'une personne éduquée dans une perspective influencée par le mouvement LGBT qui serait beaucoup moins tolérante, voire agressive et condescendante (et j'en sais quelque chose, comme je le rappelais dans mon précédent billet ;-) ). Même lorsqu'on décide de ne pas porter de jugement, on n'échappe jamais totalement aux normes qui ont construit notre personnalité et nos croyances...
"Après, je suis d'accord avec toi sur le fait que le propos de l'Eglise mérite d'être affiné. Quand bien même cela relève d'un vocabulaire propre à l'Eglise, je doute que la distinction entre ce qui est "ordonné" et ce qui est "désordonné" soit vraiment pertinente, en ce qu'elle laisse entendre qu'il existerait une forme de choix ou une indiscipline de la personne qui se "laisserait aller" à une pratique de vie "désordonnée"."
SupprimerSur ce point, nous sommes d'accord... :-)
Merci pour ton commentaire. Je te réponds en détail demain.
RépondreSupprimerManu,
RépondreSupprimerDifficile en effet de ne pas assimiler les "minorités sexuelles" à un handicap, quand les partisans-mêmes de leur reconnaissance ne peuvent trouver d'autre exemple que les cas d'ambiguité sexuelle dans les compétitions sportives.
Certes, une infime proportion d'enfants naît, du fait d'une bizarrerie génétique (XXY) ou autre, avec un sexe indéterminable. Prétendre que ça n'est pas un handicap est une vue de l'esprit : ces personnes sont généralement stériles, connaissent des soucis de développement.
Oui, on les trouve plus régulièrement dans le monde sportif féminin (cf. Caster Semenya) parce que leur puissance physique s'approche de celle des hommes. Mais leur concentration dans un univers restreint (le monde sportif) suffit-il à créer un 3e sexe ?
Viennent ensuite dans ton article deux idées que je ne partage absolument pas :
- le raccourci entre "identité sexuelle" et "orientation sexuelle". Parce qu'ils veulent voir reconnaître à l'homosexualité la même "évidence naturelle" que la différence sexuelle, les tenants de cette position essentialisent l'orientation sexuelle et, pour ce faire, passent complètement sous silence l'histoire des personnes. Et pour cause, car l'observer conduit à réaliser que bien des homosexualités sont dues à l'histoire.
- le rapprochement "monstre" / "handicapé" (que je retrouve de manière éminemment fréquente et inquiétante chez les partisans du genre).
Je passe sur le gros LOL (enfin, facepalm) quand je lis que l'Eglise crée une situation de handicap. Je pourrai aussi dire que la cécité est une construction sociale et que l'état stigmatise les aveugles en les appelant malvoyants.
Enfin, et c'est mon point d'accord (yeapee !) avec toi et Koz, le vocabulaire théologique n'est pas fait pour être utilisé pastoralement dans n'importe quel contexte. Nous sommes d'accord que la notion d'ordonné/désordonné décrit le rapport d'une réalité à sa fin, pas un diagnostic psychiatrique.
"Difficile en effet de ne pas assimiler les "minorités sexuelles" à un handicap, quand les partisans-mêmes de leur reconnaissance ne peuvent trouver d'autre exemple que les cas d'ambiguité sexuelle dans les compétitions sportives."
SupprimerEuh, d'une part, si tu lis bien mon billet, tu constateras que ce n'est pas le seul exemple. Il y a également le cas des ambiguités sexuelles (intersexués par exemple) et de la chirurgie corrective qui est pratiqué sur eux à la naissance, qui est un phénomène récurrent et bien connu des médecins, dixt par exemple mon père médecin qui n'est pas du tout "pro genre" (http://fr.wikipedia.org/wiki/Intersexuation).
Que ces cas soient minoritaires n'est pas du tout le problème. La question qu'ils posent est la suivante: on pose la différence des sexes comme une évidence biologique, qui justifie ensuite un certain nombre de pratique sociales. Quand la biologie déroge elle-même à cette "évidence", et qu'on la corrige, sur quoi se fonde-t-on pour prendre cette décision? Pour moi c'est une vraie question philosophique, avec des conséquences éthiques et sociales très intéressantes.
D'autre part, je trouve intéressant que tu associe dans ta remarque minorité et handicap ( ce qui est d'ailleurs assez inexact dans le strict contexte des compétitions sportives, où l'ambiguité sexuelle est dépistée parce qu'elle est considérée comme apportant un avantage décisif dans les compétitions féminines).
"Certes, une infime proportion d'enfants naît, du fait d'une bizarrerie génétique (XXY) ou autre, avec un sexe indéterminable. Prétendre que ça n'est pas un handicap est une vue de l'esprit : ces personnes sont généralement stériles, connaissent des soucis de développement."
SupprimerSource? ;-)
"Oui, on les trouve plus régulièrement dans le monde sportif féminin (cf. Caster Semenya) parce que leur puissance physique s'approche de celle des hommes. Mais leur concentration dans un univers restreint (le monde sportif) suffit-il à créer un 3e sexe ?"
Leur présence n'est pas plus concentrée dans le monde sportif. On s'y préoccuppe davantage de les "dépister" parce que le CIO considère que leur ambiguité sexuelle peut leur apporter un avantage important et remettre en cause le caractère équitable des épreuves.
"- le raccourci entre "identité sexuelle" et "orientation sexuelle". Parce qu'ils veulent voir reconnaître à l'homosexualité la même "évidence naturelle" que la différence sexuelle, les tenants de cette position essentialisent l'orientation sexuelle et, pour ce faire, passent complètement sous silence l'histoire des personnes. Et pour cause, car l'observer conduit à réaliser que bien des homosexualités sont dues à l'histoire."
SupprimerEuh non pas du tout. Il ne s'agit pas pour les tenants des études de genre d'affirmer que l'homosexualité relève d'une "même évidence naturelle" que la différence des sexes et l'hétérosexualité, mais de mettre en évidence qu'il s'agit dans tous les cas de phénomènes construits socialement. Donc évidemment que l'histoire des personnes joue.
"- le rapprochement "monstre" / "handicapé" (que je retrouve de manière éminemment fréquente et inquiétante chez les partisans du genre)."
SupprimerRhooo le renversement de perspective de la mort qui tue! :-) Il ne s'agit pas de stigmatiser les handicapés, mais de souligner qu'en posant des normes, on crée automatiquement par opposition du pathologique. Il ne s'agit pas de dire qu'il est honteux d'être comparé à des handicapés, mais de rappeler que le handicap est une cause, physique et psychologique, de souffrance. Les handicapés subissent leur situation à la suite d'un accident, ou dun problème médical, ou que sais-je encore, donc du fait d'une nécessité biologique. Je ne crois pas les stigmatiser en soulignant qu'il n'est pas nécessairement utile de faire vivre des souffrances comparables, même accueillies dans la bienveillance et la charité, à des personnes que ni l'état actuel de la médecine, ni la biologie, et ni la recherche en SHS, ne donent comme moins apte en quoi que ce soit que l'hétérosexuel comme toi ou moi...
"Je passe sur le gros LOL (enfin, facepalm) quand je lis que l'Eglise crée une situation de handicap. Je pourrai aussi dire que la cécité est une construction sociale et que l'état stigmatise les aveugles en les appelant malvoyants."
SupprimerComment te dire.... Comme il me semble l'avoir très explicitement écrit dans mon article, la cécité est un handicap au sens d'une nécessité de fait. Quelque soit le discours de l'Eglise, la personne est non voyante, point. Alors qu'elle pose pour les homosexuels des contraintes, en terme de vocations, de sacrements, plus grande que pour les hétérosexuels... Elle hiérarchise donc ces deux orientations, sans que cela corresponde à des différences dans la capacité de jugement ou l'état mental ou les aptitudes en général de ces personnes, et sans que ces orientations aient été nécessairement choisies, au sens d'une décision délibérée d'être homosexuel ou hétérosexuel. Elle pose donc des limites, qui ont également une signification sociale, et qui sont souvent cause de souffrance, à des personnes, pur des raisons qui ne tiennent ni à une nécessité de fait (comme les aveugles) ni à un choix d'ordre moral (comme une personne en état de péché mortel). Donc oui, elle crée du handicap, désolé de le maintenir...
Le terme de maladie, ou celui de pathologie, n’a pas de définition positive. C’est, ultimement, un jugement de valeur. Dans une société ne reconnaissant plus d’idée transcendante du bien, une personne ne peut être considérée comme malade que si elle-même se désigne comme telle (ou si elle nuit à autrui, dans le cas des maladies mentales). C’est là le vrai sens de la dé-pathologisation de l’homosexualité : une évolution idéologique plutôt que scientifique, dès lors que des homosexuels ont souhaité qu’on ne les considère plus comme des malades. La recherche, à partir des années 50, a montré que, contrairement à ce que l’on croyait auparavant, les homosexuels n’étaient pas nécessairement des criminels ou des inadaptés sociaux. On a découvert que bon nombre d’entre eux étaient parfaitement intégrés à la société et en tous points semblables à leurs contemporains, si ce n’était leur sexualité. On avait jusqu’aux années 50 l’image de l’homosexuel comme étant forcément un fou marginal, hantant les jardins publics la nuit : les recherches ont démontré que cette image était inexacte. Voilà un réel progrès de la connaissance qu’on ne peut que saluer. Toutefois, il est un peu rapide de dire que la science aurait « prouvé » que l’homosexualité est « normale car ce n’est pas une maladie ». Je vous invite à lire par exemple les travaux d’Evelyn Hooker, considérés à juste titre comme un tournant en matière d’homosexualité, et vous ne pourrez que constater la portée finalement très limitée de ces études. L’homosexualité n’est particulièrement associée à aucune maladie mentale repertoriée (si ce n’est la dépression), et la majorité des homosexuels sont socialement ajustés. Certes… La comparaison vaut ce qu’elle vaut, mais c’est un peu comme si un paraplégique subissait toute une série de tests biologiques, et que le médecin concluait : « votre métabolisme est normal, vous vous portez parfaitement bien ».
RépondreSupprimerUne vaste majorité d’homosexuels continue à vivre l’homosexualité dans la souffrance. L’observation fine de la dite culture gay permet d’y déceler un désespoir profond. Bien sûr, en l’état actuel de la société, il est soutenable que dire que cela n’est que le produit du rejet social, le poids de la norme dominante. Mais ça n’a rien de certain. Ce n’est en rien démontré. Et au contraire, si réellement l’homosexualité pratiquée est une sorte d’impasse affective, ne serait-ce pas un grave manque à la charité que de renoncer à le dire ?
Et donc de quelle manière va s'exprimer cette charité ?
Supprimer- Première solution : "Ecoute mon brave, dans un pur esprit de charité, il importe de te dire que l'homosexualité pratiquée est une impasse affective et que donc, tu devrais vivre ta vie entière dans la solitude, sans jamais pouvoir construire un couple ni jamais connaître ce que beaucoup d'êtres humains considèrent comme un pan important de leur vie. Mais Dieu t'aime, donc c'est cool quand même".
- Deuxième solution, à l'ancienne : "L'homosexualité est une impasse, mais grâce à Dieu, tu peux guérir ! En priant beaucoup, en te fouettant quelques fois, et en portant le silice, tu finiras bien par t'ouvrir à l'altérité, te conformer au plan de Dieu et devenir enfin normal, espace de déviant intrinsèquement désordonné".
Ce sont les deux seules solutions offertes par une telle attitude, et une telle vision de l'homosexualité. Elles peuvent prendre la forme hypocrite que voici : "Oui tu est fermé à l'altérité, foncièrement immature et forcément souffrant, mais nous t'aimons. Nous t'accueillons dans notre Eglise, et nous avons beaucoup de compassion pour toi. Tend tes mains vers moi que j'y déverse ma pitié. Certes, tu ne connaîtras jamais le bonheur de construire un couple, ni l'extraordinaire fécondité de la sexualité humaine, mais ce n'est pas grave, à la place tu pourras faire du tricot ou du patchwork. Tu ne pourras pas devenir enseignant par contre, car comme le disais notre bien aimé cardinal Ratzinger, refuser à une personne homosexuelle la possibilité d'exercer une profession en lien avec les enfants, tel qu'enseignant ou éducateur sportif, ne constitue pas une discrimination injuste. Jésus t'aime !"
Elle est bien belle la charité chrétienne !
"Une vaste majorité d’homosexuels continue à vivre l’homosexualité dans la souffrance. L’observation fine de la dite culture gay permet d’y déceler un désespoir profond. Bien sûr, en l’état actuel de la société, il est soutenable que dire que cela n’est que le produit du rejet social, le poids de la norme dominante. Mais ça n’a rien de certain. Ce n’est en rien démontré. Et au contraire, si réellement l’homosexualité pratiquée est une sorte d’impasse affective, ne serait-ce pas un grave manque à la charité que de renoncer à le dire ?"
SupprimerIl me semble effectivement que la souffrance observable chez certains homosexuels peut largement être expliquée par les stigmates sociaux et culturels aujourd'hui encore associés à cette orientation sexuelle, sans nécessiter la référence à je ne sais quelle blessure psychique que beaucoup d'homosexuels réfutent.
Et vous me paraissez procéder à l'envers en demandant la démonstration que l'homosexualité n'est pas une maladie. Si rien ne montre que l'homosexualité en tant que désir n'est pas davantage que l'hétérosexualité l'expression de capacités de jugements altérés ou un facteur de souffrance pour soi-même ou autrui (et sérieusement je ne vois pas où il est montré de manière scientifiquement recevable que le désir homosexuel en lui-même serait davantage porteur de souffrance que le désir hétérosexuel, n'en déplaise aux Anarella, Ariño et consorts et leur psychanalyse de bazar), alors elle n'a pas à être considérée comme telle (de la même façon, pour faire une analogie avec un autre type de situation, que ce n'est pas à une personne qui paraitrait excentrique de prouver qu'elle n'est pas folle, mais que c'est à ceux qui entendraient éventuellement limiter ses droits ou sa liberté de démontrer son instabilité mentale, à l'aide d'expertises psychiatriques ou autres). Et c'est donc à ceux qui la condamnent ou mettent en garde contre elle de démontrer les dangers qui lui seraient liés, et non aux homosexuels d'être présumés malades jusqu'à preuve du contraire et de devoir fournir la preuve de leur bonne santé... Ou alors on instaure une société du soupçon, où toute personne un tant soit peu différente de la norme devrait prouver sa conformité pour pouvoir prétendre jouir des mêmes avantages et des mêmes possibilités que la majorité de la population.
Présumer le meilleur des homosexuels me parait plus conforme à l'idée que je me fais de la charité que de les décréter malades sans certitudes, et de les étouffer sous une pseudo-compassion condescendante qui prend pitié de blessures dont la réalité parait fort douteuse dans de nombreux cas pour mieux refuser en toute bonne conscience les revendications de beaucoup d'entre eux...