mardi 4 août 2015

Ma lecture des livres de Rachel Held Evans 1/3: Faith Unraveled





Rachel Held Evans est une journaliste, blogueuse et auteure de best sellers américaine. Chrétienne, initialement protestante évangélique, elle a rejoint récemment l’Eglise épiscopalienne.
Elle a publié à ce jour trois livres: Faith Unraveled (initialement publié sous le titre Evolving in Monkey Town) (2010/2014), A Year of Biblical Womanhood (2012), et Searching for Sunday (2015). Chaque billet de cette série rend compte de l'un de ces trois livres.


Faith Unraveled est sous-titré "How a girl who knew all the answers learned to ask questions ("comment une fille qui connaissait toutes les réponses a appris à poser des questions"). Ce livre témoigne de l'histoire d'une foi, au départ très assurée, qui se dénoue, s'effiloche (unravel) à mesure que les assurances données par une éducation évangélique rigoureuse se confrontent à l'actualité et à des modes de vies, des événements et des questions dissonants.


Le plan général du livre est donc globalement chronologique, et suit les grandes étapes de la vie de foi de Rachel Held Evans, protestante évangélique, fille de théologien, ancienne "fondamentaliste" devenue "évolutionniste", démocrate et féministe. Passée la préface ("pourquoi je suis évolutionniste"), les 21 chapitres du livres sont regroupés sous trois grandes parties: "Habitat" (1-5), qui décrit l'enfance et le cadre de vie de l'auteure, "Challenge" (6-17), consacrée aux doutes qui ont progressivement miné ses certitudes, et "Change", qui dépeint la Rachel Held Evans adulte.


Chaque chapitre (entre 5 et 15 page environ) s'appuie généralement sur une anecdote ou une rencontre (ainsi l'évocation d'une amie de l'auteure, homosexuelle et chrétienne ("Adele the Oxymoron" ch. 16)), et construit à partir de ces réminiscences une méditation sur tel ou tel aspect de la vie de foi de l'auteure, ou tel doute qui la travaille.


Comme le titre original du livre, et celui de la préface, le suggèrent, le combat mené par les fondamentalistes américains contre la théorie darwinienne de l’évolution est un thème qui traverse tout le livre. Monkey Town, c’est Dayton, la ville du Tenessee où l’auteure a été élevée, et qui doit ce surnom au procès, en 1925, d’un enseignant “coupable” d’avoir enseigné l’évolutionnisme, transformé en affrontement idéologique où les tenants du créationnisme ont été ridiculisés. Et l’évolution, c’est aussi bien cette théorie si honnie par le milieu d’origine de l’auteure, que celle que subit malgré tout ce même milieu évangélique, qui à partir des années 1970, heurté par les progrès des idées “libérales”, choisit de prendre ses distances avec la foi aveugle au profit de la théologie systématique et de la confrontation rationnelle aux arguments des non croyants, dans le cadre du “mouvement apologétique”.


C’’est bien sûr aussi celle de l’auteure, bercée doctrinalement par cette apologétique, rompue aux joutes bibliques et théologiques, et pourtant de moins en moins sûre de la justesse de cette “vision du monde” et de la foi. Elle indique qu’elle n’a pas eu une “crise de foi” à proprement parler: plutôt une petite série de “pannes” et de “défaillances”. L’une de ces “pannes” inaugurales fit suite à l’exécution, largement diffusée sur CNN, d’une femme afghane, Zarmina, par les talibans, en 2001. Suivant l’enseignement reçu, cette femme, morte musulmane, ne pourrait être sauvée et finirait en enfer comme ses bourreaux. D’où un terrible et durable sentiment d’injustice, et de colère envers Dieu.


L’injustice, l’auteure ne la supporte pas. Elle multiplie peu à peu les questions et les critiques auprès de sa famille et de sa paroisse. Au point que sa communauté se distancie à son tour d’elle. Elle devient destinataire de chaines de prières. On dit qu’elle serait “devenue bouddhiste”.


L’aspect à mon sens le plus marquant de ce livre est de montrer combien ce sont la rigueur morale et le souci de prendre la foi au mot, et non le désir de “plaire au monde” et la paresse, qui sont à l’origine de la distance de plus en plus critique prise par l’auteure envers son Eglise. Et après trois ans de petites “pannes” successives, en fait la prise de conscience graduelle de toutes les petites contradictions, les incohérences et les arrangements de l’apologétique évangélique avec la Bible et avec la morale, c’est en revenant à la lecture des quatre évangiles qu’elle s’est tournée à nouveau vers Jésus, un Jésus qu’elle à redécouvert, à la lumière de ses interrogations. Un Jésus qui n’assène pas des réponses, mais ne cesse de poser des questions. Et qui demande beaucoup plus qu’un “assentiment intellectuel” et qu’une “allégiance émotionnelle”.


La “morale” pour moi de ce livre, c’est qu’une exigence morale, intellectuelle et spirituelle authentique mène au doute. Et:

“Si j’ai appris une chose au cours de ces cinq dernières années, c’est que le doute est le mécanisme par lequel la foi évolue. Il nous aide à rejeter les faux fondamentaux afin que nous puissions retrouver ce qui a été perdu ou adopter ce qui est nouveau. C’est un feu purificateur, une flamme brûlante qui maintient notre foi en vie et en mouvement et en effervescence, là où les certitudes ne font que la geler sur place” (p. 195).