dimanche 29 juin 2014

Pornographie, postporn et morale chrétienne 1/6



Disclaimer: je ne suis ni universitaire, ni particulièrement connaisseur du sujet dont il est question ici. Cette série de billet n'apprendra probablement pas grand chose à ceux de mes lecteurs qui se sont un peu frottés de près au sujet, et ils y verront sans doute de nombreuses erreurs et approximations. pour lesquelles je présente par avance mes excuses. Ces billets sont surtout destinés à poser par écrit l'état actuel de ma réflexion, et destinés en priorité à la partie chrétienne de mon lectorat, afin de questionner un certain nombre d'évidences qui lui sont plus particulièrement propres, et qui me semblent, de plus en plus, douteuses.

ll y a quelques semaines, je partageais sur Twitter un article sur les porn studies, qui faisait mention d'une "pornographie éthique". S'ensuivait une avalanche de réactions, sceptiques, ironiques, ou franchement horrifiées, de la part de contacts, catholiques pour l'essentiel, mais qui sont loin, pour la plupart, d'être spécialement traditionnalistes ou virulents et sectaires dans leurs engagements politiques. Surpris et quelque peu choqué par le caractère quelque peu épidermique de cette levée de bouclier, et par le blocage sur le mot "pornographie" et les significations qui lui sont habituellement associées qu'elle laisse deviner, je promettais un billet sur le sujet: le voici (ou plutôt les voici, puisqu'il y en aura six en tout, que celui-ci vise simplement à introduire).

Il semble d'usage, lorsqu'on essaie de réfléchir sur la pornographie, de se situer par rapport à cet objet d'étude (voir cet article, par exemple): après tout, quelques soient les hauteurs vers lesquelles nous élève notre pensée, nous sommes aussi des corps désirants, avec notre sexualité propre et notre histoire spécifique de celle-ci, et sommes en tant que tels toujours susceptibles d'être soit, ou en même temps, excités, perturbés, révulsés, attirés, étonnés, par tel ou tel texte, ou telle ou telle image, à caractère pornographique.

Je suis un homme blanc cisgenre, et hétérosexuel. J'ai déjà vu des films pornographiques, quoique, autant que que je me souvienne, pas depuis que j'ai l'âge légal de pouvoir le faire (j'ai 37 ans). Il m'est par contre arrivé occasionnellement, à l''âge adulte, de lire des livres ou des bandes dessinées qui comportaient des passages à caractère pornographique. Rétrospectivement, je ne peux pas dire que l'expérience ait été très plaisante, un sentiment de gêne, de vide et ou de honte submergeant très rapidement les aspects parfois plus agréables de la découverte. Pour autant, ce vide, cette honte et cette gêne me semble moins avoir révélé une hypothétique "essence" de la pornographie, que mis en lumière certains aspects obscurs de mon rapport à ma sexualité et à mon corps, ainsi que certains a priori sur la représentation de l'acte sexuel qui me rendent impossible, actuellement, de pleinement apprécier des oeuvres pornographiques. 

Voilà donc pour ma situation personnelle: peu d'inclination pour le genre, et un corpus de sources primaires très pauvre. 

Pour autant, il m'est difficile de taire, au nom de ma propre expérience, les voix et les discours de celles et ceux, d'une part, qui condamnent absolument la pornographie, mais aussi, d'autre part, qui y voient, repensée, re-représentée et resignifiée, un moyen possible d'émancipation et d'empowerment pour les minorités de genre, d'orientation sexuelle, ou racisées. Au sens où la critique de la pornographie dominante, majoritairement sexiste, hétérosexiste, cissexiste, et porteuse de stéréotypes racistes, et la promotion de pornographies alternatives, seraient des leviers efficaces pour subvertir les représentations hégémoniques d'une sexualité "normale", en fait prioritairement blanche, hétéro, cisgenre et orientée vers des fantasmes masculins, plus efficaces en tout cas que le recours à la censure a priori et au cadre réglementaire comme réponse principale aux difficultés morales et sociétales soulevées par une certaine pornographie. 

Ce qui constitue en partie le projet d'une "pornographie éthique", au sens où une partie du milieu de la pornographie refuse d'abandonner le monopole de la représentation de l'acte sexuel à une conception hégémonique de celui-ci qui le fixe comme le lieu "naturel" d'une domination des instincts masculins sur les corps féminins, et comme une sorte de nécessité "honteuse" mais "biologique" qu'il vaudrait mieux reléguer au silence de la vie privée: il y a des manières de combattre l'essence supposée mortifère de la pornographie qui ont pour conséquence de sacraliser les représentations avilissantes et oppressives de la sexualité qu'on y décèle, comme autant de formes supposément essentielles et instinctives de l'acte sexuel en lui-même. 

Ceci nous ramène à l'un des enjeux politiques les plus estimables et les plus précieux des études de genre prises largement: débusquer le caractère culturellement construits des formes soit disant naturelles de la domination masculine, pour prendre conscience de leur contingence et de leur fragilité, afin d'aménager des espaces de sens qui les contrecarrent et rendent possible des représentations plus valorisante de minorités: femmes, LGBT, etc. Les opposants à la pornographie ont beau jeu de prendre appui sur la nudité des acteurs et le caractère cru de l'acte sexuel en lui-même pour soutenir une sorte d'évidence, d'univocité sémantique et morale de ce genre cinématographique et littéraire en lui-même. Pourtant, aussi nus que soient les corps, aussi apparemment directe et explicite que soit la représentation de l'acte, nous est-il possible, à quelque moment de notre vie que ce soit, d'avoir une relation immédiate, évidente, universelle, à ce qui serait leur vérité essentielle, et qui permettrait de dire que la pornographie n'aurait q'un seul type de discours, de signification, et qu'évaluer une oeuvre de ce type, ce serait les évaluer toutes?

Comment concilier en effet, les affirmations conjointes de la dignité de l'acte sexuel, et de l'abjection de la pornographie, sinon en reconnaissant que ce que l'on condamne dans cette dernière, ce n'est pas la représentation brute, sémantiquement pure et naïve, virginale, de l'acte sexuel, mais tout un ensemble de significations culturelles, de connotations, qu'on y associe plus ou moins spontanément: l'exploitation des femmes,la violence, l'"addiction" au porno,  le capitalisme le plus débridé, la misère sexuelle, les boutiques "honteuses", etc. ?

Ce qui révulse dans la pornographie, ce n'est donc pas une caractéristique essentielle de toute représentation cinématographique, ou littéraire, ou picturale, ou photographique, de l'acte sexuel, mais un ensemble de constructions culturelles, de réseaux de significations et d'images, qui lui sont habituellement associés, à tort ou à raison. Or, là où il n'y a pas essence, mais construction, comme c'est, me semble-t-il, le cas ici, se pose toujours la question de la possibilité de déconstruire puis reconstruire, et là où il y a des réseaux de significations associés, celle de l'éventualité de les déplacer ou les redéfinir, en se réappropriant le medium en cause. Ce qui est depuis les années 1970, le projet du postporn, la relecture et la réappropriation féministe de la pornographie. Les enjeux me paraissent trop importants pour traiter cette entreprise par le sourire ou le mépris.

Un autre argument courant, pour plaider ce caractère supposément univoque, sémantiquement, de la pornographie, consiste à rappeler ce qui apparait comme sa finalité première: éveiller le désir sexuel. Or, ce dernier est tout sauf univoque: nous ne prenons pas plaisir aux mêmes corps, aux mêmes actes, aux mêmes situations.Et nous sommes très loin loin d'avoir tous le même rapport à notre plaisir sexuel: nous le relisons au travers de notre histoire, de notre éducation, de notre culture. 

Reste l'objection chrétienne classique à la pornographie: la dignité de l'acte sexuel ne serait pas intrinsèque à celui-ci, mais s'accomplirait dans le cadre d'une relation exclusive entre deux personnes, liées par un amour sincère et de manière indissoluble, et qui s'actualiserait pleinement dans la procréation. Pour ma vie personnelle, et en mettant un bémol sur le dernier point, je m'avoue assez proche de cette conception. Qui mène à voir assez fréquemment dans la pornographie une mutilation des potentialités réelles de l'acte de "faire l'amour", une apologie du sexe sans amour, ludique et non amoureux, une déspiritualisation de la sexualité, menant éventuellement (et pour certains inéluctablement) à sa déshumanisation. 

Cette objection m'inspire cependant trois réserves:

- Elle définit une vérité universelle de la pornographie, qui serait seule et unique, et orientée vers le plaisir sexuel au premier degré "animal", là où il y a à mon avis des pornographies, dont certaines se distancient de ce dernier et thématisent les questionnements éthiques qu'il soulève, et plus généralement, dont beaucoup revendiquent un second degré assumé (il n'y a qu'à voir les nombreuses parodies pornos d'oeuvres cinématographiques plus célèbres et respectées).

- Beaucoup de personnes revendiquent simultanément une relation amoureuse exclusive et sincère, et un intérêt réel pour la pornographie, voire une participation à l'élaboration des oeuvres elles-mêmes. Ainsi, l'ancienne actrice X, militante féministe, et réalisatrice de films pornos, Ovidie, dont le mari est avec elle depuis avant ses débuts dans l'industrie du X. Au nom de quoi, sur la base de mon expérience très peu informée, ou des analyses que j'imagine envcore moins éclairées, en terme de connaissance du milieu et des oeuvres, d'intellectuels et prélats catholiques, tairais-je la parole de ces personnes qui connaissent infiniment mieux que moi les réalités de la pornographie, et affirment vivre de manière cohérente différents choix qu'on m'a appris à croire incompatibles?

- Il me semble que chez beaucoup d'opposants à la pornographie, le rapport à celle-ci devient très rapidement un fantasme, au sens déréalisant et obsessionnel qu'on lui associe souvent. De symptôme, elle devient souvent cause de tous les dysfonctionnements sexuels de notre sociétés: viols, harcèlements, pédophilie, etc. Critiquer la pornographie est banal, pour beaucoup, c;est la quintessence du "vrai" combat féministe. Pourtant, parlez de "culture du viol " à un bon catho ou à un militant de gauche persuadés de leur bonne conscience féministe, dans des contextes plus ordinaires: les jeux vidéos, le monde professionnel, les stéréotypes de genre dans les livres d'enfants, les manuels de biologie, dans le droit, dans l'enseignement des sciences humaines, etc. et vous assistez généralement à une levée de boucler généralisée. Je tiens de plus en plus la pornographie comme un bouc émissaire trop facile, sur lequel notre société projette ses péchés, pour ne pas voir, et encore moins attaquer, les structures socioculturelles, beaucoup plus larges et généralisées, même à l'école (une sorte d'ABCD de la culture du viol, farouchement défendu, paradoxalement, par certains des opposants les plus inflexibles à la pornographie: catholiques et musulmans traditionnalistes) qui sont causes de nos dysfonctionnements nombreux, et tellement plus banals que nous n'osons l'admettre. Je ne crois pas, dans l'état actuel de ma réflexion, et contrairement à ce que certains ont semblé vouloir me faire dire sur Twitter, à un "porno chrétien". Par contre, je crois foncièrement chrétien de toujours vérifier ce qu'il en est des "boucs émissaires", ce qu'ils révèlent sur nous-mêmes. Et je pense que paradoxalement, la mise à nue de nos structures de péchés passe par une certaine réhabilitation de la pornographie (qui ne me parait pas à l'origine de la plupart des maux qui lui sont associés), pas nécessairement dans une optique libertine, mais a minima, pour révéler derrière elles les dysfonctionnements réels de notre société et de nos vies, que sa dénonciation occulte bien plus souvent qu'elle ne révèle, me semble-t-il.

J'y reviendrai plus longuement dans le cinquième billet de cette série, dont la composition devrait être la suivante:

1) Dans le deuxième billet, je tenterai d'esquisser une définition de la pornographie, à partir des analyses de Marie-Anne Paveau, linguiste, universitaire, et féministe, dans Le discours pornographique (La Musardine, 2014).

2) Dans le troisième billet, je reviendrai sur le débat qui oppose depuis les années 1970 les féministes "pro sexe" aux féministes "radicales" sur la question de la pornographie, au travers d'une relecture des chapitres 1 et 2 du livre de Judith Butler Le pouvoir des mots: Discours de haine et politique du performatif (Editions Amsterdam, 2004), qui y oppose à la critique par la juriste et féministe Catharine MacKinnnon de la pornographie comme "discours de haine" qui assujettirait la femme à un devoir-être social construit par ce type de production culturel, une conception de celle-ci comme " texte de l'irréalité du genre", qui manifeste de manière accentuée le caractère irréalisable de ce devoir-être que conditionnent les normes de genre, et qui peut être le lieu d'une critique et d'une resignification de ces dernières.

3) Dans le quatrième billet, je rendrai compte d'exemples concrets de tentatives féministes et LGBT de resignification des imaginaires pornographiques: porno "vert"/"durable", réappropriation féministe des pratiques BDSM, etc.

4) Dans le cinquième billet, j'aborderai les critiques chrétiennes de la pornographie, entre autres au travers de ce qu'en dit le livre récent du père Pierre-Hervé Grosjean, Aimer en vérité (Artège, 2014), et les problèmes qu'elles me posent.

5) Enfin, dans un sixième billet conclusif, j'élargirai mon propos en répondant à une objection qui m'a été faite sur Twitter, par une contacte apparemment particulièrement remontée contre la pornographie, et qui exprimait sa colère face à ce qui lui apparaissait comme une saturation du discours public sur le sexe, qui devrait selon elle être cantonné à la sphère privée. Je pense au contraire que le sexe est une question politique éminente, qui nous concerne tous, informe notre sens moral, nos hontes, nos aspirations, nos réactions les plus viscérales, et que plus on le tait et le relègue à la sphère intime, plus on court le risque de laisser perdurer des schémas hégémoniques et oppressifs, et de faciliter différentes situations d'exclusion de silenciation et de domination. Je ne crois pas pouvoir être chrétien sans pouvoir poser un discours public sur le sexe, pas nécessairement au sens d'une normalisation ou d'une idéalisation excessive, mais tout simplement, de façon à le rendre vivable pour tous. J'essaierai de démontrer mon point de vue dans ce dernier billet.

16 commentaires:

  1. Je suis d'accord avec le fait qu'il existe plein de stéréotypes dans la pornographie, mais c'est un peu vieillot de croire encore à l'écrasement des fantasmes masculins, on a commencé à dépasser ce cadre.

    Sur le fait qu'il faudrait arriver à un renversement de ces stéréotypes, pour arriver à libérer et faire accepter d'autres sexualités, je pense que c'est une réflexion idéaliste :
    1. le porno justement ne peut donner l'accès au genre, il n'y est question que de sexe, donc de pratiques sexuelles et les acteurs, payés, ne participent pas nécessairement au genre.
    2. Le porno est une industrie, et s'oriente vers un public, même s'il est possible d'y proposer un peu d'éthique. Donc c'est comme la pensée Hollywood où on aboutit à une pensée ou philosophie "centriste" mainstream, on observe globalement un recentrage entre fantasme masculin et féminin.
    Sinon qui va regarder et acheter ? A moins d'inventer au Ministère de la Culture française avec des crédits à la clé, une pornographie transgenre, qui serait à la pornographie classique ce que le théâtre contemporain fût au théâtre.

    Bref, une catastrophe artistique et économique de plus, pour un public quasi inexistant, car contrairement au théâtre contemporain où l'on peut venir se faire voir au spectacle, parce que cela fait "moderne" ou "actuel", là, personne ne se glorifierait dans les dîners en soirée d'être un spectateur averti de la pornographie transgenre.

    (Sinon pour le genre dans les jeux vidéos, un truc intéressant, est le jeu populaire Elder Scrolls Skyrim où l'on peut se marier à un NPJ, et toutes les formes de couple sont possibles. A noter cependant que les obédiences religieuses proposées et diverse bénédictions proposées au héros, sont essentiellement polythéistes et monistes.
    Comme si finalement, et je le constate, la qualité du transgenre n'arrivait pas à s'imposer dans un contexte monothéiste et révélé. Il y a dans la sphère homosexuelle le développement d'un hermétisme ou de travers initiatiques, qui empêcheront toujours l'acceptation et l'accueil de tous. Cela va beaucoup plus loin que l'exclusion des sexualités alter, qui n'est franchement pas historiquement prouvée sur la longueur des civilisations. Il y a une envie de pratiquer l'entre soi et de craindre une contamination des hétérosexuels, qui n'est pas une peur physique, mais une peur intellectuelle et spirituelle.)

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  2. Moi qui voulait répondre au billet, je dois d'abord répondre au précédent commentaire...

    Alors Thierry, plusieurs précisions.

    1. J'ai l'impression (arrêtez-moi si je me trompe) que vous êtes sur une vision un peu anachronique de la pornographie. Ainsi, une question comme "sinon qui va acheter ?" est assez décalée. Qui paye encore pour le porno aujourd'hui ? Il faut vraiment avoir des goûts bizarroïdes, voire complètement pervers, pour ne pas trouver son bonheur dans l'immensité du champ du gratuit sur Internet. Et c'est ce qui fait que, de nos jours, le porno est de moins en moins une industrie : pour une très large part, le porno, c'est un couple qui se filme et qui diffuse la vidéo sur le Net (ou au moins un des partenaires diffuse la vidéo sur le Net).

    2. Sur les jeux vidéo, c'est vrai que c'est comme ça dans Skyrim, mais bon, il y a des contre-exemples. Ainsi, dans Dragon Age, on peut aussi coucher avec les PNJ (même si on ne peut en épouser qu'une ; en revanche, on peut aller au bordel), qui sont hétéro, homo ou bi, et ce alors qu'on est dans le contexte d'une religion monothéiste révélée pas si éloignée du christianisme. Plus généralement, je trouve votre réflexion sur l'hermétisme homo très caricaturale.

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    1. Sur l'hermétisme homo, disons que je sens plus les choses d'après mon expérience, que j'écoute les billevesées à la radio ou à la télé.
      Toulouse, milieu des années 80, boite homo et une boite de spectacles trans. J'y allais souvent car beaucoup de mes potes et copines s'y donnaient rendez-vous. De plus, il y avait l'avantage de pouvoir danser sur du Cloclo. Mais je le répète, à l'instinct la distinction était faite de suite. on était soit dedans (la communauté) soit à l'extérieur.

      Il y eut pire, une de mes amies eut l'idée de m'emmener dans un bar de la communauté lesbienne. Pour passer le temps un bout d'après-midi, comme le font les étudiants devant un double café ou un grand crème. Je suis rentré avec les regards de haine et de méfiance sur moi, et reparti avec les mêmes regards de méfiance et de haine comme des poignards dans le dos. Regards qui se traduisaient, par un silence gêné autour de nous.

      C'est bizarre, j'étais plutôt athée à l'époque, avec une éducation paternelle très libérale qui m'enjoignait de ne pas juger au grand jamais les affaires privées de chacun.
      J'étais en plus un fervent lecteur de Nietzsche, à cette époque.que j'ai du relire au moins cinq fois depuis. Je ne vois donc pas où je pouvais gêner dans des lieux publics, où je pouvais faire "déplacé", il n me semble être resté poli et ouvert d'esprit, mais bon c'est "sûrement une mauvaise interprétation de ma part, ou de mauvaises expériences avec des gens pas-cool-qui-ne-représentent-pas-leur_communauté..

      A l'époque, j'étais plutôt bon public, mais franchement, j'ai compris que je n'étais pas du même monde dans le regard de certains de mes frères et sœurs.

      Après vous me dites que c'est caricatural. Je ne le crois pas, La façon de s'habiller, les couleurs, les symboles que l'on porte, les conversations pleines de sous-entendus... Peut-être est-ce aussi lié au monde de la nuit, ou au plaisir de se distinguer parce qu'on aurait accès à des bribes de vérités cachées. Tout ceci était bien réel;
      Mais peut-être que la vie d'un étudiant des années 80 dans une grande ville de province était une caricature.

      Si c'est le cas, la caricature ne me gêne pas. Tant que ce n'est pas dans les livres et la pensée "mainstream" qu'elle s'exprime ;-)

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    2. Sur le business perdu de la pornographie, vous m'assurez que ce que je peux visionner sous le terme "amateur" est effectivement un produit "amateur" ou "artisanal".
      Je crois qu'on a simplement adapté la technique de la caméra à l'épaule ou le faux œil intimiste du Blair Witch Project.
      Le seul problème c'est que vous semblez parler de "l'industrie" comme si on était encore dans les années 70. Or elle est toujours là sauf qu'elle est en mutation de forme.

      Bon, après vous avoir ouvert les yeux, à ce qui n'est pas si simple que cela, je vais aller boire un café :-)

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    3. Vous avez fréquenté DES homos, à un endroit donné, dans un milieu donné, à une époque donnée. Et vous en tirez une généralité sur LES homos qui seraient comme ceci ou comme cela. C'est ça qui est caricatural (et faux, tout simplement). A votre vécu, je peux opposer mon vécu.

      Sur le porno amateur, vous êtes évidemment libre de croire ce que vous voulez : que les films amateurs sont tous des films industriels déguisés, ou même que tout ça c'est un complot judéo-maçonnique, si ça vous chante.

      Vous vous êtes déjà demandé, alors, pourquoi des industriels du porno dépensaient tant de moyens, faisaient de la caméra à l'épaule, payaient des acteurs, pour finalement le mettre gratuitement en ligne sur le Net ?

      J'ai de plus en plus l'impression que vous parlez sans rien y connaître. Est-ce que vous en avez déjà vu, au moins ?

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    4. Vous énervez pas cela ne sert à rien.
      Je reconnaissais en fin de commentaire de plus que mon expérience pouvait être caricaturale.

      Même si ce n'est pas très agréable de voir sa vie réelle qualifiée de caricaturale, il n'empêche que vous vous positionnez selon une expertise au-dessus.
      Tout comme font les médias :
      Ils imposent un regard ou une projection qui n'est pas la réalité de ce que vivent les gens. Mais d'une manière mainstream, c'est ce qu'ils disent qui serait la vérité et ce que vivent les j gens, justement une caricature de la réalité.

      Ce n'est pas cela comme le monde fonctionne.
      Je préfère par exemple l'observation des personnes sur le terrain, plutôt que de croire qu'on incendie une chapelle à Lyon à l'occasion d'un match de l'Algérie en CdM.

      Je préfère me rendre compte par moi-même, écouter les informations filtrées par l'expérience des gens du terrain, plutôt que de me fixer une opinion rectiligne et narcissique.

      Mais si vous m'accablez d'une caricature (depuis votre premier commentaire) alors qu'il me semble ne point vous avoir attaqué, libre à vous, ce n'est pas moi qui suit dans votre peau. Dieu merci !

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  3. Bon, Manu, à nous. Très bon billet, comme d'habitude, très intéressant. Une seule chose me gêne. Tu reprends très justement la critique traditionnelle chrétienne que tu synthétises ainsi :

    "La dignité de l'acte sexuel ne serait pas intrinsèque à celui-ci, mais s'accomplirait dans le cadre d'une relation exclusive entre deux personnes, liées par un amour sincère et de manière indissoluble, et qui s'actualiserait pleinement dans la procréation."

    Or, si tu prends un peu de distance avec le dernier point, la critique s'arrête là. Tu dis te sentir proche de cette définition de l'acte sexuel, d'accord, pourquoi pas, mais tu ne l'étayes pas, comme si elle allait de soi, au moins dans notre cadre conceptuel et idéologique.

    Mais ce n'est pas le cas. Moi qui suis, comme tu le sais, catho pratiquant, et même messalisant pour reprendre la distinction opérée par l'INSEE, je ne suis absolument pas d'accord avec cette définition. Pour moi, il y a bel et bien une "dignité" et un bien dans l'acte sexuel, y compris hors de ce cadre. Je ne vois aucun mal à coucher avec quelqu'un qu'on vient de rencontrer, qu'on ne connaît pas, juste pour un soir, ou à coucher à trois, ou à 50 d'ailleurs. Pour moi, un acte sexuel est moral à deux conditions : la première, c'est qu'il ait lieu entre des adultes consentants ; la seconde, c'est qu'en pratiquant l'acte sexuel, on considère toujours l'autre non seulement comme un moyen, mais aussi comme une fin.

    Je vois une autre limite à ton billet, mais peut-être que tu vas la combler dans le cinquième billet : tu ne parles pas du tout de la masturbation. Or, pornographie et masturbation sont intimement liées. Bien sûr, on peut regarder des films de cul en couple (d'ailleurs on peut aussi se masturber en couple), mais c'est quand même une pratique essentiellement solitaire, et donc le but est tout de même de faire se masturber. Je pense qu'une large part de la condamnation chrétienne de la pornographie vient justement de la condamnation de la masturbation. Or, cela mériterait d'être dit et combattu.

    A partir de là, on pourrait également prolonger la réflexion. De mon côté, j'ai quelques idées sur la question. La principale critique que je ferais au porno, je crois, c'est justement qu'il fait trouver en-dehors de soi-même le moyen de se masturber qu'on a très bien en soi. Un peu comme les drogues, les hallucinogènes etc. peuvent aider pour des pratiques comme la méditation, mais t'empêchent finalement d'accéder aux ressources intérieures qui aboutissent au même résultat, plus difficilement il est vrai. On pourrait pousser la comparaison avec ce genre de drogues douces en disant qu'un peu de pornographie stimule et pimente l'imagination, mais que trop de pornographie la tue et la stérilise. De quoi découle, d'ailleurs, d'autres critiques qu'on peut faire à la pornographie : son caractère addictif et chronophage.

    Mais bon, ne brûlons pas les étapes, tu as peut-être déjà prévu de parler de ça. ;-)

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    1. Ce sont effectivement des questions sur lesquelles je suis un peu entre deux eaux, et que j'ai prévu d'évoquer dans mon cinquième billet.

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  4. Vous dites
    "Pour moi, un acte sexuel est moral à deux conditions : la première, c'est qu'il ait lieu entre des adultes consentants ; la seconde, c'est qu'en pratiquant l'acte sexuel, on considère toujours l'autre non seulement comme un moyen, mais aussi comme une fin."

    Il y a là tout le problème de votre thèse : un acte, quel qu’il soit, n'est moral que s'il ne considère l'autre que comme une fin et jamais comme un moyen.

    C'est sur cette base qu'est fondée toute la réflexion de l’Église sur la sexualité. Paul VI disait que l’Église est experte en humanité , et elle est aussi au courant des faiblesses humaines : pourquoi ne pas lui faire confiance. Le discours de l’Église n'est pas là pour moraliser mais pour aider à être vraiment heureux !
    amicalement

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    1. "Il y a là tout le problème de votre thèse : un acte, quel qu’il soit, n'est moral que s'il ne considère l'autre que comme une fin et jamais comme un moyen."

      D'accord sur ce point.

      "Paul VI disait que l’Église est experte en humanité , et elle est aussi au courant des faiblesses humaines : pourquoi ne pas lui faire confiance."

      Cette expertise en humanité ne peut faire l'économie de la confrontation avec la réalité concrète, avec toute sa diversité, ses évolutions et ses surprises. Les principes ne valent que s'ils peuvent se vérifier. Et l'Histoire de l'Eglise montre que son "expertise en humanité" ne lui a pas épargné des erreurs d'appréciation, parfois graves. Ma confiance , je préfère la placer dans la capacité de l'Eglise à adapter son enseignement à des réalités nouvelles et mieux connues, plutôt que dans une hypothétique irréformabilité de son enseignement sur des phénomènes sur lesquelles elle n'a pas toujours une information précise et approfondie.

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    2. Mais ça n'a aucun sens, dans l'acte sexuel, de prétendre que l'autre n'est pas AUSSI un moyen. C'est complètement absurde : bien sûr que l'autre est aussi le moyen de mon plaisir. Quand on fait l'amour, il est complètement malhonnête de prétendre qu'on ne recherche QUE le plaisir ou le bonheur de l'autre, on recherche aussi le sien propre, et ce plaisir de soi-même, on le recherche au MOYEN de l'autre, ou alors autant se masturber...

      Je ne vois pas bien comment on pourrait honnêtement prétendre le contraire.

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  5. Sinon, je suis tombé ici: http://seenthis.net/messages/271622#message271653 sur la réaction suivante au présent billet:

    "Au moins il n’y a pas tromperie sur la marchandise : notre blogueur réitère en externe le discours “post-féministe” « pro-sexe » (qu’il a bien appris, hein, c’est une bonne fiche de lecture et c’est très honnête de ne pas faire comme s’il avait inventé le truc tout seul) et ne nous apprendra rien.

    Puisqu’il paraît que les mots sont importants :
    –"pro-sexe" c’est une notion qui est inopérante en milieu patriarcal gaulois (prière de la garder pour vos séjours aux USA ou elle sera très utile... mais précisez bien aux féministes pro-sexe locales votre contexte politique, le pays de DSK)
    ►http://blog.ecologie-politique.eu/post/Sexe-pour-ou-contre
    –la pornographie ce n’est pas la sexographie ou représentation de l’acte sexuel, c’est la représentation de la prostitution (les prostituées romaines officiaient dans des niches ou porne), alors il faut reposer la question : est-ce que le spectacle de pauvres limant et se faisant limer par nécessité économique dans le cadre d’une industrie florissante peut-être éthique ? Éthique et rapport de pouvoir, on est loin de montrer le zizi ou pas."

    A propos des deux remarques finales:

    1) D'une part, j'utilise dans ce billet l'expression "pro-sexe" en référence, clairement, quoique de manière implicite, aux "feminist sex wars" américaines", en me référant dans les phrases suivantes à deux auteures américaines. D'autre part, s'il est bien entendu que la France n'est pas les Etats-Unis, et que le contexte diffère (sans exagérer toutefois le côté "gaulois": pas sûr que la prostitution et la pornographie aient si bonne presse chez nous, même si le cadre juridique est un peu moins sévère dans le cas au moins de la première), on retrouve néanmoins dans les mouvements féministes français des clivages similaires sur la pornographie, la prostitution, la transsexualité etc. chacune des partis se réclamant peu ou prou des grandes figures du débat américain: Dworkin, Mackinnon, Rubin, Butler, Linda Parks, etc.
    Cette première remarque me parait donc dans objet,et le côté règlement de compte du texte linké n'aide guère à me convaincre.

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    1. 2) La seconde remarque me parait entachée de deux défauts rédhibitoires:
      - un recours abusif à l'étymologie pour verrouiller le débat.
      En préfiguration de mon billet2/6, je me permet de citer un passage du Discours pornographique de Marie-Anne Paveau qui me parait beaucoup plus convainquant:

      "Alors, de quoi parle-t-on avec ce mot de pornographie ? L’étymologie est bien connue, rappelée dans quasiment tous les ouvrages sur la question : le nom pórnê, « prostituée » et graphein, « peindre, tracer ». Il faut se méfier des étymologies : elles donnent l’illusion que le sens des mots est fixé dans leur origine, unique et immuable. En fait, il n’y a pas plus mouvant et évolutif que la langue et le sens des mots est plutôt celui que les usagers d’une langue lui donnent à une époque et dans un contexte donnés. Or le terme n’est pas synonyme de « prostitution », bien que cet argument soit largement mobilisé par le courant féministe abolitionniste par exemple. Mais les mots ne sont pas des arguments, ce sont des formes et des lieux du sens."

      Que l'usage originel du mot ait eu un rapport avec la prostitution ne signifie pas que la pornographie actuelle est indissociable de cette dernière. De fait, même si dans les deux cas on peut parler de "travailleur.s.e.s du sexe", assimiler purement et simplement les deux me parait nécessiter une gymnastique intellectuelle assez acrobatique.

      - L'appropriation de la parole d'autrui: je n'ai pas envie de me lancer ici sur la question de la prostitution, que je connais moins encore que celle de la pornographie (et je me suis fait d'ailleurs remonté les bretelles gentiment mais fermement par une militante anti abolitionniste il y a quelques mois sur facebook au sujet de mon manque de maitrise du sujet) mais j'ai toujours du mal, lorsque je lis ou entend des témoignages d'actrices pornos ou de prostituées qui affirment avoir choisi leur métier, le préferer à d'autres alternatives, et parfois s'y épanouir, voir d'autres personnes, pas forcément du milieu, décréter que la vérité de la prostitution et/ou de la pornographie est l'esclavage économique, voire l'esclavage tout court. Je ne doute pas qu'il existe une prostitution et une pornographie pour lesquelles c'est le cas, et qui sont évidemment à combattre. mais cette lutte ne devrait pas à mon sens mener à confisquer purement et simplement la parole des premières concernées, ou de celles qui disent ne pas ressortir de ce cadre.

      Après, je confesse volontiers mes lacunes sur ces questions, et je reconnais tout à fait me contenter de reprendre des arguments que j'ai trouvé chez d'autres, et qui sont ceux qui m'ont convaincu. Je dois cependant dire que pour l'instant, les remarques du commentaire que je cite ci-dessus, et qui me paraissent s'inscrire eux-aussi dans une rhétorique très classique, qui est celle du féminisme abolitionniste, échouent complètement à me convaincre davantage.

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    2. Suite du débat , qui m'amène à modérer très fortement mon jugement initial: http://seenthis.net/messages/271622#message271911

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  6. (je découvre cet échange très tard, pardonnez-moi si l'intérêt en est passé).

    Il me semble, Thierry, que vous généralisez (et essentialisez) à partir d'informations présentant deux biais importants. Le monde de la nuit en effet. Mais aussi ce que pouvait être la socialisation d'un LGBT dans les années 80.

    Pour faire court : cette dernière me semble être la résultante d'une réponse à une situation sociale oppressive depuis le XIXè siècle au moins - forme moderne d'une désapprobation dont les racines sont anciennes en Occident - et de l'intensification des luttes pour la reconnaissance au cours des années 70.

    L'entre-soi que vous observiez est une conséquence assez banale somme toute d'une situation où un minoré doit le plus souvent dans son espace social se défier d'un dominant - et parfois en chercher subtile revanche dès qu'il le peu. Ce ne sont que des effets des situations de domination, d'invisibilisation et de minoration.

    Aujourd'hui que la visibilité homosexuelle est bien plus diverse, ce type d'entre-soi a moins de raison d'exister, et de fait, pour ce que j'en vois, représente une part moins importante qu'auparavant dans la socialisation des jeunes gays et lesbiennes (à l'époque, d'ailleurs, je connaissais bon nombre de gens qui ne s'y reconaissaient pas du tout). Sa reproduction sociale est moins forte - elle n'a certes pas disparu, pour des raisons diverses allant de l'inertie des habitudes sociales jusqu'à son intérêt dans certains cas, l'acceptation n'étant pas la chose du monde la mieux partagée.

    Puisque nous parlons d'observations de terrains, les miennes me chantent une tout autre chanson que les vôtres, compatibles avec les bribes d'analyse socio-historiques ci-dessus.

    Je ne comptre plus les anniversaires, fêtes, parfois de famille, où homo et hétéro se cotoient sans que cette différence ait la moindre signification, sinon conjoncturelle, comme quand on évoque être gaucher, ou qu'on relate les difficultés sociales ou juridiques que l'on peut avoir parce que le droit fait des différences entre des situations similaires - situation d'avant le PACS, par exemple. Idem avec mes collègues de bureau - du moins ceux à qui je fais suffisamment confiance pour leur parler de ma vie sentimentale.

    La chanson que me chantent aussi parfois mes observations de terrain est aussi celle de jeunes gens et jeunes filles ravagé.es ou en rupture de ban parce que leur famille ne les acceptent pas/ les rejettent, et qui sont forcé.es d'aller chercher famille ailleurs. Je ne vousparle pas de ce qui se dit dans la presse, mais de gens que j'ai rencontrés et/ou fréquentés sur des forum d'entre-aide, mais aussi d'amis, et de diverses connaissances.

    Et, vraiment, je ne vois aucune différence entre homos et hétéros que je fréquente, à situation sciologique équivalente.

    Mais peut-être est-ce que je suis à côté de la plaque et que vous visiez autre chose. N'hésitez pas à me rectifier, le cas échéant.

    (NB : j'ai publié sur mon blog une version plus étendue, ne comportant pas la partie "témoignage" ci-dessus. Elle était trop longue pour la section commentaires.)

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  7. (note à Darth_Manu - ce commentaire semble s'afficher à une place erronée. Il n'a de sens que dans le contetx très localisé des commentaires de Tierry Lhôte ci-dessus. Si vous pouvez l'y déplacer, c'est mieux. Vous pouvez également le supprimer, sinon, je comprendrais sans problème. Le présent commentaire peut être dans tous les cas éliminé).

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