vendredi 22 mai 2015

Pourquoi je suis resté catholique


Dimanche dernier, quand je me suis réjoui sur ma page FB de la décision du synode de l'Eglise Protestant Unie de France autorisant les pasteurs qui le désirent à bénir les mariages homosexuels, l'un de mes contacts, catholique traditionaliste et résolument opposé à ce type d'ouvertures aux revendications LGBT, a commenté de la manière suivante:

" C'est le moment de les rejoindre :-)"
 J'ai répondu:

 "J'avoue que l'an dernier, il y a un moment où j'y ai sérieusement pensé, mais non, désolé, je reste! :-)"

Un autre contact, de gauche et favorable aux revendications LGBT, s'en est étonné dans les termes suivants:

" moi je ne comprend pas, pourquoi tu restes ? Est ce que c'est un sacrifice pour aider / relever le catholicisme ?"

Il y a eu une longue période, qui a duré plusieurs mois, où moi aussi, j'ai cessé de comprendre. Ma fréquentation de l'eucharistie s'est très fortement raréfiée, pour ne pas parler d'autres sacrements.  J'ai commencé à fréquenter le culte d'une paroisse réformée pas très loin de chez moi. J'ai pris contact avec la pasteure de cette paroisse qui m'a accompagné dans mon discernement.

Parmi les raisons qui m'ont conduit à cette démarche: un profond ras-le-bol post-2013/LMPT, une grande déception face à ce qui m'est apparu comme un profond manque de compassion et du curiosité de la part de beaucoup de catholiques qui se sont dressés comme un seul homme contre le mariage homosexuel, les études de genre... sans visiblement chercher à croiser leurs informations ou à les vérifier, sur le fondement d'une révérence somme toute superstitieuse pour un "enseignement" de l'Eglise pourtant manifestement pas mieux informée sur ces questions. La prise de conscience de l'emprise morale et intellectuelle paradoxalement contre-productive qu'avait eu sur moi ma pratique catholique (messes, animation d'aumônerie, participation à des groupes de partage et de rassemblement, activisme sur internet): contre-productive au sens où loin de me rendre plus lucide et honnête envers moi-même, plus soucieux de mon prochain, comme elle aurait opérer dans son principe même, elle avait longtemps fonctionné comme un interrupteur qui bloquait en moi tout questionnement sérieux sur les sujets dits, il y a quelques années, "non négociables" (homosexualité, IVG, etc.) et m'endurcissait, en me rendant virtuose en toutes sortes de périphrases et de circonvolutions qui me permettaient d'occulter le fait que ce fameux enseignement de l'Eglise laissait de côté de nombreuses vies, ou les enfermait, quand il s'agissait de croyants, dans des contradictions insolubles, des "fardeaux lourds à porter" (Matt. 23, 4), tout en prétendant agir pour leur "meilleur" intérêt. Les nombreuses critiques (parfois personnelles et blessantes) et incitations de contradicteurs (dont au moins un prêtre) à prendre la porte ont aussi fini par peser. Enfin, sans surprise au plus fort d'une crise de confiance envers les fidèles et l'institution, c'est ma foi qui a commencé à s'éteindre. En changeant d'Eglise, je voulais la rallumer, sans avoir à appesantir ma vie spirituelle de toutes ces disputes et toute cette hostilité qui rythmaient mes rapports avec certains catholiques. Ou plutôt, les aborder dans le cadre d'un dialogue oecuménique, avec une séparation de principe posée d'entrée de jeu.

Et pourtant, en sortant de mon premier rendez-vous destiner à discerner sur cet éventuel passage à la foi protestante, il m'est apparu clairement que j'étais catholique. Ou plutôt, sans bien me l'expliquer, j'ai su que changer d'Eglise n'était pas ce que Dieu attendait de moi.

En premier lieu, parce que j'avais beau essayé de me mettre au fait de la théologie et des usages protestants, de me préparer mentalement au changement, de fréquenter des paroissiens, notamment dans un groupe de partage biblique oecuménique, je sentais en moi une résistance. Non pas une résistance à devenir protestant (j'ai de très bon souvenir de cette période où j'ai découvert de très belles choses), mais à ne plus être catholique. C'est-à-dire que plus ma volonté poussait dans le sens du changement, plus mon intelligence démontait l'un après l'autre tous les éléments de mon identité catholique, plus quelque chose en moi endurait et subsistait, qui ne voulait pas cesser d'être catholique. Et ma formation spirituelle, qui s'est principalement faite à partir des Exercices spirituels d'Ignace de Loyola, m'a appris qu'en matière de discernement, et a fortiori de discernement vocationnel, il importait d'être tout particulièrement attentif aux "motions de l'âme", aux goûts et aux dégoûts, aux enthousiasmes et aux résistances, car c'est là que l'Esprit nous travaille.

En second lieu, il m'a semblé que cette résistance avait partie liée aux sacrements tels que je les avais vécus dans l'Eglise Catholique, et au souvenir que ma mémoire en avait conservé. Sur ce point je me retrouve totalement dans cette remarque de Rachel Held Evans, une essayiste chrétienne très populaire aux Etats-Unis, qui elle aussi, après avoir été extrêmement dévote (au point de demander à une autre lycéenne, au lendemain du massacre de Columbine, alors que tout le monde aux USA redoutait l'éventualité de copycats, si elle savait où irait son âme, si elle devait mourir ce même jour, si j'en crois son livre Searching for Sunday), a pris progressivement ses distance avec sa foi, en partie en lien aux débats autour du traitement des personnes LGBT par les religions, et qui elle aussi est revenu à une pratique régulière, mais pour le coup avec un changement de dénomination (d'évangélique, elle est devenue anglicane):

"On Tuesdays, between now and April 14, I’ll be sharing excerpts from my new book, Searching for Sunday: Loving, Leaving, and Finding the Church. The book is arranged around seven sacraments—baptism, confession, communion, holy orders, confirmation, anointing of the sick, and marriage.  When my faith had become little more than an abstraction, a set of propositions to be affirmed or denied, the tangible, tactile nature of the sacraments invited me to touch, smell, taste, hear, and see God in the stuff of everyday life again. They got God out of my head and into my hands." ("What brought me back to church...").
 Quand intellectuellement et moralement, l'Eglise (ou du moins certains de ses pasteurs et fidèles) semble patiner , pour ensuite se ressaisir (comme elle a pu le faire tout au long de son histoire), perdre de vue la conscience du bien et du mal sur certaines questions, et  transmettre la foi d'une manière brouillée, parasitée par une philosophie complémentariste, elle parvient encore à le faire par l'intermédiaire des sens, au moyen des sacrements. Je ne prétends pas ici faire de la théologie sacramentelle de haut niveau,  et j'ai bien conscience que le sens que donne l'Eglise à ses sacrements est plus complexe que ça, mais lorsque tout finit par nous séparer: la politique, les idées, les moeurs, il nous reste encore la possibilité de communier chaque dimanche au Corps et au Sang du Christ, rassemblés autour d'une promesse et d'une Espérance, même si nous ne nous accordons plus sur son sens pour aujourd'hui.

Du temps où j'étais un jeune et enthousiaste reconverti, j'aimais me représenter dans la procession de communion, devant et derrière moi, toutes les personnes avec qui j'avais pu avoir des conflits, désunis entre nous au jour le jour, mais unis face à Dieu et recevant chacun le Christ. Je crois que tout au fond de mon coeur, c'est cela qui m'a manqué et m'a empêché de quitter l'Eglise Catholique (au passage, il y a sûrement des équivalents dans les autres dénominations chrétiennes, et je ne lance pas un concours. Je dit juste que cette manifestation sensible particulière est importante dans ma vie de foi personnelle).

Mais il ne s'agit pas pour autant d'un retour au catholique que j'étais de 2005 à 2012. Et surtout pas à ça:

"La tentation est grande alors de penser que l’Église se trompe, qu’au fond elle n’a pas encore adapté la Parole à notre époque, et de reléguer ces préceptes jugés inadaptés au fond du placard d’une foi jeune et insouciante. Vivre en s’accommodant comme on le peut et essayer de ne pas trop penser à Jn 8, 32 : la Vérité vous rendra libres. Ce serait facile de séparer le Christ du magistère mais alors c’est renoncer à l’Église, c’est chercher un compromis illogique.
Comment faire alors advenir dans notre existence cette liberté promise, alors que nous butons sur nos contradictions, nos révoltes et nos peurs ? Il me semble que la première corde sur la crête, c’est la prière. Sans relation intime avec le Seigneur, à quoi bon vouloir s’escrimer ? Profitons de sa présence déjà actuelle ! La deuxième corde, c’est la confiance. Si l’Église est notre mère, elle sait ce qui est bon pour nous, même si les rebellions adolescentes sont tentantes. L’Esprit-Saint ne peut l’abandonner, au-delà des erreurs des pécheurs de ceux qui la constituent. La troisième corde, c’est s’efforcer de comprendre le plus sincèrement et le plus profondément possible ce que l’Église nous propose. Qui a lu par exemple entièrement la théologie du corps avant d’aller décréter que l’Église ne connaît rien au sexe ? Enfin, l’exemple des saints est bien souvent un phare dans nos âmes tiraillées. Parce qu’ils ont vécu le même combat, et qu’ils sont la preuve éclatante non seulement de la possibilité d’une voie exigeante mais surtout de la fécondité joyeuse qu’elle offre. Il ne s’agit pas d’être des rigoristes orgueilleux fiers de suivre l’Église, mais il ne faut pas non plus, prétextant le souci fallacieux de s’éloigner du pharisaïsme, se trouver trop pécheurs pour être capable de monter les sommets." (Cahiers Libres, "Libérés ou déchirés", par Marietropique).

Au passage, si ce texte m'irrite un peu, j'y retrouve aussi les intéressantes interrogations de son auteure, qui, si j'en crois son compte twitter, ne se laisse pas endormir par la belle totalité doctrinale de l'Eglise, et semble s'efforcer de discerner sincèrement au jour le jour, à partir des difficultés concrètes qu'elle rencontre. Et s'il m'irrite, c'est en fait parce que j'y retrouve ma propre manière de procéder d'il y a quelques années, qui m'a à mon humble et rétrospectif avis, bien envoyé dans le mur.

Mais sérieusement, les "cordes" deux et trois, NON! Désolé, mais c'est juste non! Enfin, pas "non" à propos de la confiance et l'effort de mieux connaitre et comprendre le discours de l'Eglise, bien sûr, mais à propos des développements proposés pour chacune de ces deux attitudes:


- "Si l’Église est notre mère, elle sait ce qui est bon pour nous, même si les rebellions adolescentes sont tentantes.": pas toujours non. Les mères font aussi des erreurs de jugement, peuvent aussi être étouffantes ou aveuglées par des souvenirs d'une autre génération que la notre, et nous sommes nombreux à avoir atteint notre majorité, et surtout, à connaitre au moins un peu l'histoire de l'Eglise. Elle s'est trompée... plusieurs fois... tout au long de son histoire... comme tout le monde... et l'a reconnu à plusieurs reprises... et a parfois demandé pardon... Si elle s'est trompée, comment soutenir qu'elle ne peut pas se tromper, qu'elle connait forcément mieux que nous, alors qu'elle nous voit de loin et de l'extérieur, ce qui est bon pour nous? Confiance n'est pas déni, et n'est pas un argument contre la critique justifiée.

- "Qui a lu par exemple entièrement la théologie du corps avant d’aller décréter que l’Église ne connaît rien au sexe ?": cet argument, c'est vraiment la damnation des catholiques de notre temps, en plus d'être un sophisme. On n'a jamais fait le tour, intellectuellement parlant, d'une question, d'un enseignement, d'une doctrine, un tant soit peu mûris et approfondis. Exiger un tel préalable, c'est exiger le silence. Ce qui compte, c'est de croiser les arguments des parties adverses, de prendre connaissance aussi honnêtement et exhaustivement que possible des arguments des forces en présence, afin de pouvoir construire le plus solidement possible son propre discernement en CONSCIENCE (ce qui n'est pas la même chose qu'en vérité). Et force est de constater qu'au nom justement des grandeurs cachées supposées de la doctrine catholique, beaucoup de catholiques (pas l'auteure, pour ce que j'ai pu lire d'elle) s'efforcent surtout de ne surtout pas trop lire de près ce qui se dit en face, des fois que la si fascinante grandeur de l'enseignement moral de l'Eglise ne soit pas si grande que ça. Et c'est bien ce qu'on est quelques uns à leur reprocher, depuis plusieurs années.

Et puisqu'on est sur le sujet de la conscience: les "tensions" et le "déchirement" que Marietropique évoque dans son billet, e se réduit pas aux rébellions de l'adolescence. Il s'agit plutôt de ce travail permanent de discernement entre le bien et le mal, entre ce qui est bon pour nous et ce qui est bon pour notre prochain, auquel le Christ nous a appelé. Et dans l'exercice de cette responsabilité, notre conscience est première, suivant le Magistère même de l'Eglise, et même, éventuellement, contre ce que nous connaissons et comprenons de ce dernier.

Certes, Jean-Paul II, dans l'encyclique Veritatis Splendor, a tenté de dépasser l'antagonisme entre cette primauté de la conscience et l'obéissance au Magistère. D'une part:

"Le jugement de la conscience est un jugement pratique, un jugement qui intime à l'homme ce qu'il doit faire ou ne pas faire, ou bien qui évalue un acte déjà accompli par lui. C'est un jugement qui applique à une situation concrète la conviction rationnelle que l'on doit aimer, faire le bien et éviter le mal. Ce premier principe de la raison pratique appartient à la loi naturelle, et il en constitue même le fondement, car il exprime la lumière originelle sur le bien et sur le mal, reflet de la sagesse créatrice de Dieu qui, comme une étincelle indestructible (scintilla animæ), brille dans le cœur de tout homme. Mais, tandis que la loi naturelle met en lumière les exigences objectives et universelles du bien moral, la conscience applique la loi au cas particulier, et elle devient ainsi pour l'homme un impératif intérieur, un appel à faire le bien dans les situations concrètes. La conscience formule ainsi l'obligation morale à la lumière de la loi naturelle : c'est l'obligation de faire ce que l'homme, par un acte de sa conscience, connaît comme un bien qui lui est désigné ici et maintenant. Le caractère universel de la loi et de l'obligation n'est pas supprimé, mais bien plutôt reconnu, quand la raison en détermine les applications dans la vie quotidienne. Le jugement de la conscience affirme « en dernier ressort » la conformité d'un comportement concret à la loi ; il formule la norme la plus immédiate de la moralité d'un acte volontaire, en réalisant « l'application de la loi objective à un cas particulier » 105.
60. Comme la loi naturelle elle-même et comme toute connaissance pratique, le jugement de la conscience a un caractère impératif : l'homme doit agir en s'y conformant. Si l'homme agit contre ce jugement ou si, par défaut de certitude sur la justesse ou la bonté d'un acte déterminé, il l'accomplit, il est condamné par sa conscience elle-même, norme immédiate de la moralité personnelle. La dignité de cette instance rationnelle et l'autorité de sa voix et de ses jugements découlent de la vérité sur le bien et sur le mal moral qu'elle est appelée à entendre et à exprimer. Cette vérité est établie par la « Loi divine », norme universelle et objective de la moralité. Le jugement de la conscience ne définit pas la loi, mais il atteste l'autorité de la loi naturelle et de la raison pratique en rapport avec le Bien suprême par lequel la personne humaine se laisse attirer et dont elle reçoit les commandements : « La conscience n'est donc pas une source autonome et exclusive pour décider ce qui est bon et ce qui est mauvais ; au contraire, en elle est profondément inscrit un principe d'obéissance à l'égard de la norme objective qui fonde et conditionne la conformité de ses décisions aux commandements et aux interdits qui sont à la base du comportement humain »" (Veritatis Splendor, 59-60)
D'autre part:

"Pour former leur conscience, les chrétiens sont grandement aidés par l'Eglise et par son Magistère, ainsi que l'affirme le Concile : « Les fidèles du Christ, pour se former la conscience, doivent prendre en sérieuse considération la doctrine sainte et certaine de l'Eglise. De par la volonté du Christ, en effet, l'Eglise catholique est maîtresse de vérité ; sa fonction est d'exprimer et d'enseigner authentiquement la vérité qui est le Christ, en même temps que de déclarer et de confirmer, en vertu de son autorité, les principes de l'ordre moral découlant de la nature même de l'homme » 111. L'autorité de l'Eglise, qui se prononce sur les questions morales, ne lèse donc en rien la liberté de conscience des chrétiens : d'une part, la liberté de conscience n'est jamais une liberté affranchie « de » la vérité, mais elle est toujours et seulement « dans » la vérité ; et, d'autre part, le Magistère ne fournit pas à la conscience chrétienne des vérités qui lui seraient étrangères, mais il montre au contraire les vérités qu'elle devrait déjà posséder en les déployant à partir de l'acte premier de la foi. L'Eglise se met toujours et uniquement au service de la conscience, en l'aidant à ne pas être ballottée à tout vent de doctrine au gré de l'imposture des hommes (cf. Ep 4, 14), à ne pas dévier de la vérité sur le bien de l'homme, mais, surtout dans les questions les plus difficiles, à atteindre sûrement la vérité et à demeurer en elle." (Veritatis Splendor, 64).

Si l'Eglise est "maîtresse de vérité", au sens où elle conserve et transmet  le dépôt de la foi, et assure la continuité apostolique, il n'en résulte pas  que dans des débats qui engagent des connaissances (sociologiques, historiques, biologiques, philosophiques...) extérieures à la foi, elle soit à même de dire avec certitude ce qu' est la vérité, ni qu'elle soit dispensé d'argumenter ses positions contre la science de son temps.

Il est vrai que Jean-Paul II a affirmé dans le motu proprio Ad tuendam fidem la possibilité pour l'Eglise d'énoncer des enseignements irréformables dans le domaine de la loi naturelle. J'ai expliqué dans un précédent billet pourquoi cette affirmation me paraissait douteuse théologiquement, et pourquoi je ne pensais pas qu'elle serait reçue sur le long terme par le sensus fidei.

Quoiqu'il en soit, même en accordant tous ses arguments à Jean-Paul II, lui-même ne va pas jusqu'à dénier à la conscience individuelle  sa primauté dans l'exercice pratique du jugement, même s'il tente d'en minimiser la portée:

"Néanmoins, l'erreur de la conscience peut être le fruit d'une ignorance invincible, c'est-à-dire d'une ignorance dont le sujet n'est pas conscient et dont il ne peut sortir par lui-même.
Dans le cas où cette ignorance invincible n'est pas coupable, nous rappelle le Concile, la conscience ne perd pas sa dignité, parce que, tout en nous orientant pratiquement dans un sens qui s'écarte de l'ordre moral objectif, elle ne cesse de parler au nom de la vérité sur le bien que le sujet est appelé à rechercher sincèrement." (Veritatis Splendor, 62).
 Dans le cas d'un conflit entre conscience et obéissance, par exemple mon désaccord avec le Magistère catholique concernant l'homosexualité, c'est donc la conscience qui est première, et non l'obéissance, et c'est donc celle-ci que le contradicteur catholique fidèle à l'enseignement de l'Eglise doit tenter d'éclairer, plutôt que d'en appeler sans cesse, et quel que soit le ton, à la seconde.

C'est donc à tort que beaucoup de catholiques diffèrent sans cesse l'examen des arguments adverses, et en appellent à l'humilité, alors qu'il leur faudrait clairement et sincèrement prendre à bras le corps les difficultés morales qui leur sont opposés, et montrer en quoi l'enseignement de l'Eglise y répond, ou à défaut, en tirer les conséquences et adaptations adéquates concernant ce dernier (mais cela nécessite d'interroger sa propre conscience, ce qui est parfois d'une humilité un peu plus douloureuse que celle de l'obéissance).

On dit beaucoup de mal, et on se moque, de ces "croyants non pratiquants" ou peu pratiquants qui restent aux marges de l'Eglise. On les considère comme des "tièdes", et je me suis longtemps rendu coupable de de genre de jugements. Ces derniers mois, et c'est à mon sens l'un des fruits spirituels les plus précieux de mon "temps de désert", j'ai appris à respecter davantage ceux d'entre eux que l'écoute sincère de leur conscience, et le malaise qui en résulte, tient à distance de  nos paroisses, que pour ceux (pas tous les pratiquants, heureusement!), dont j'ai été, qui ensevelissent leurs doutes sous une obéissance intellectuelle, formelle.

Dans le même ordre d'idée, ce qui m'a le plus choqué en 2013, en tant que chrétien, mis à part bien sûr l'homophobie, ce sont les condamnations arrogantes de quelques catholiques en vue, face à la démarche de débaptisation d'une blogueuse. Sur le principe, je désapprouve les débaptisations, ne serait-ce que parce que l'une des plus belles réussites du dialogue oecuménique est que les différentes dénominations chrétiennes reconnaissent (presque) un même baptême. Mais en méprisant cette démarche individuelle, on méprisait tout à la fois la conviction invincible, même erronée, de cette blogueuse,  qui "ne cesse de parler au nom de la vérité sur le bien que le sujet est appelé à rechercher sincèrement" et qui l'a poussée à choisir entre son baptême et sa conscience. Et ausssi l'appel du Christ à annoncer la Bonne Nouvelle aux malades comme aux bien portants (j'ai lu ça et là des remarques du genre: "on s'en fout des débaptisés. Quand on creuse, on voit qu'ils n'était déjà pas vraiment catholiques").

Pour ma part, je reste catholique, donc. D'une manière différente d'avant, moins formelle, sans doute moins obéissante aussi, mais plus honnête envers ma propre conscience. Si d'aventure certains des lecteurs de billet, heurtés par mon "subjectivisme" et mon "relativisme", souhaitaient me faire renoncer à mes erreurs, je préfère les prévenir tout de suite que je ne tiendrai pas compte des injonctions à être "humble", à "faire confiance" et à "obéir". Pour m'amener à faire contrition, la condition nécessaire et suffisante sera de convaincre ma conscience. En partant par exemple de ce témoignage que j'ai rendu en début de semaine sur ma page Facebook:

"Par ailleurs, ce qui est peut être un fruit spirituel, je suis davantage sensible depuis quelques temps au sort de toutes les personnes LGBT qui, dans le monde, sont hospitalisées, emprisonnées, ou exécutées du fait de leur identité de genre, ou de leur orientation sexuelle, et, avec une pensée, du coup, au nom de celles et ceux, parmi mes proches, celles et ceux qui me lisent, ou les inconnu.e.s, qui sont concerné.e. s et qui ont la possibilité de vivre ouvertement leur vie, avec une sécurité relative, pour celles et ceux qui ont su dire non au "bon sens" et ont permis une (lente) évolution des lois et des mentalités (et qui m'ont permis de me remettre moi- même en question). Et du coup un peu moins patient avec ce fameux bon sens ."
Quoiqu'il en soit, je souhaite à tou.t.e.s un très joyeux week end de Pentecôte! Puisse l'Esprit souffler sur nous et éclairer nos consciences! :-)