mercredi 20 novembre 2013

Comment j'ai vécu cette année de "Manifs pour Tous"...


A la rentrée 2012, lorsque le mariage pour les personnes de même sexe commençait à devenir LE débat dans la cathosphère, j'accumulais déjà un nombre assez significatif de frustrations, au regard de l'actualité catholique et de ce qu'il me paraissait percevoir d'ambiguïtés morales dans le discours dominant dans l'Eglise.

J'avais très mal vécu les injonctions à voter à droite (ou, parfois, à l'extrême-droite) lors des dernières présidentielles, et les communiqués embrouillés d'évêques, qui disaient donner des "éléments de discernement" sans appeler à voter pour tel ou tel, alors que le contenu de ces derniers était assez transparent. J'avais été blessé de cette présomption d'hérésie perceptible dans le discours des uns et des autres, sur les catholiques qui votent à gauche, surtout après une année passée par certains à s'extasier sur la possible réintégration de la FFSPX, en balayant sous le tapis ses implications politiques visibles, pourtant à mes yeux pas vraiment plus reluisantes que le programme de n'importe quel candidat de gauche.

L'été 2012, deux polémiques avaient accentué mon malaise. Tout d'abord, certaines réactions catholiques à la condamnation des Pussy Riot à deux ans de camp. Sans approuver tous les modes d'action ni toutes les positions de ces dernières, j'avais été épouvanté par l'appui explicite de catholiques, y compris modérés, à la justice russe, dont les décision était pourtant, en l'occurrence, manifestement disproportionnée et influencée par des mobiles politiques. J'avais l'impression que ce qui était en jeu dans cette approbation, c'était beaucoup moins un discernement sur l'exercice juste du pouvoir répressif et la réalité des actes reprochés aux Pussy Riot qu'une réaction épidermique au militantisme féministe et à l'art performance, deux ennemis "naturels" dans l'esprit de beaucoup de chrétiens. Dans une moindre mesure, la polémique du mois d'août sur la sexualité, entre un blogueur  et une blogueuse (d'ailleurs tous deux d'une sensibilité plutôt de gauche) m'avait agacée. Je reconnais que les deux ont joué le jeu d'un échange serein et argumenté, ce qui n'a pas été le cas de tous leurs lecteurs: on a vu passé pas mal d'invectives ces jours-là, y compris d'un prélat. Cependant, si les arguments du premier m'ont paru moins convaincants, ceux de la seconde, beaucoup plus brillants, me paraissaient en même temps plutôt faciles vis à vis des personnes en marge de l'Eglise (divorcés-remariés, etc.) pour lesquelles elle affichait pourtant une compassion assez marquée. Au passage, c'est dans un de ses billets que je rencontrais pour la première fois le nom de Philippe Ariño.

Enfin, je commençais à comprendre un peu mieux les tenants et les aboutissements des études de genre, dont j'avais découvert l'existence lors de la polémique de 2011 sur les manuels de SVT, grâce, notamment, à la lecture du blog Penser le genre catholique d'Anthony Favier, que j'avais découvert au printemps 2012. Sa lecture avait été un choc pour moi. Il me semblait en effet que les catholiques avaient de mauvais arguments contre les études de genre, et ces dernières d'excellentes questions sur des aspects centraux, et controversés, et difficiles humainement, de l'enseignement de l'Eglise en matière de sexualité.

C'est dans cet état d'esprit que je fus introduit aux débats sur le "mariage pour tous".  Non seulement je dois bien dire que je n'ai jamais été très à l'aise avec la position de l'Eglise sur l'homosexualité (typiquement le type de discours auxquels j'adhérais par fidélité mais que j'étais incapable de défendre avec des arguments de bonne foi face à un contradicteur. Je me souviens également avoir croisé des amis à Paris, qui étaient avec une de leur connaissances gays, et leur avoir dit que j'étais sur le point de faire huit jours de retraite spirituelle. La manière dont ce dernier me regardait, qui m'a paru lourde des souffrances et des rancoeurs suscitées chez nombre d'homosexuels par la condamnation catholique de leur orientation sexuelle, me marque encore aujourd'hui), mais la question de la complémentarité homme/femme, selon moi gravement ébranlée par les études de genre, me paraissait une question préalable qui ne me paraissait pas du tout posée de manière sérieuse, ouverte et sincère par les catholiques dans ce début de débat.

Je me rappelle qu'à la toute fin des vacances d'été 2012, j'ai assisté à la grande réunion annuelle des animateurs d'aumônerie de ma paroisse, préparatoire à la rentrée. On avait planché, en petits groupes, sur le projet de loi sur le mariage homosexuel. Dans mes souvenirs, on a très peu parlé de l'homoparentalité, et beaucoup de l'homosexualité dans la Bible. Si le curé a fait un recadrage assez intelligent lors de la restitution, je me rappelle que les débats étaient du genre "je n'aime pas trop les homosexuels, mais je ne sais pas vraiment pourquoi. Mais quand même, ce projet de loi ça m'embête". J'étais très mal à l'aise tout au long de l'atelier, mais je n'ai pas trop osé l'ouvrir franchement. Je me rappelle qu'un autre animateur, alors que tout le monde semblait un peu embarrassé, lors de la préparation en petit groupe, avait posé la question de notre qualification: est-ce que sur ce type de débats, il n'y a pas lieu de laisser la parole à ceux qui savent, et de faire silence? Sur le coup, cette réflexion m'avait beaucoup impressionné, et j'ai décidé que ce serait ma porte de sortie: je n'avais pas de connaissance particulière des questions liées à l'homosexualité, je n'étais pas parent et donc assez démuni face aux débats sur la parentalité... Mieux valait attendre en serrant les dents que l'on passe au débat suivant, que j'espérais plus enthousiasmant.

Mais la mise en place étonnamment lente, par le gouvernement, de cette réforme, et la détermination des évêques et des associations catholiques installèrent cette polémique dans le temps, bien au delà des précédentes qui ont agité la cathosphère. Je me sentais de moins en moins en phase avec la plupart des autres blogueurs et twittos catholiques (et de plus en plus avec des militants féministes et LGBT que je commençais à suivre sur twitter et sur leurs blogs), mais je gardais quelques espoirs en réserve: peut-être que cette incertitude sur l'homosexualité venait de ma mauvaise connaissance de l'enseignement de l'Eglise sur celle-ci. Peut-être également que ces prises de positions d'homosexuels, en particulier ce Philippe Ariño dont j'entendais tout le temps parler ces dernières semaines et que j'avais croisé une fois lors d'un twittapéro catho, contre le mariage gay, allait m'éclairer sur la nature "désordonnée" de ce désir.

Le premier texte d'Ariño que j'ai lu était en réaction au fameux "baiser de Marseille". Cette lecture a constitué une première révolution pour moi, dans ce débat. C'était vraiment... vraiment... nul. C'était méchant... C'était délirant: ça parlait de bisexualité, de" lolitas bobos", de " la superficialité, la prétention et l’homophobie de l’acte homosexuel en lui-même" sans vraiment justifier l'usage de ces termes... C'était péremptoire, peu argumenté, confus... On avait l'impression d'un règlement de compte personnel avec le milieu LGBT, beaucoup plus que d'un véritable discernement spirituel sur la nature du désir homosexuel.

Du coup j'ai approfondi, et lu d'autres textes de lui: j'ai découvert ses théories douteuses sur la relation "non causale" entre viol et désir homosexuel, sa méthode peu rigoureuse, fondée sur l'accumulation non critique de données culturelles qui lui font penser à l'homosexualité, ses accents prophétiques, sa tendance à exclure sommairement ses contradicteurs sur les réseaux sociaux plutôt que de dialoguer. J'étais consterné, atterré. Je me disais que si toutes les paroisses et toutes les associations et la plupart des médias cathos se l'arrachaient, si son livre L'homosexualité en vérité était à ce point un succès de librairie, c'était l'indice que les catholiques étaient les premiers à ne plus vraiment comprendre le discours de l'Eglise sur l'homosexualité, et qu'ils cherchaient chez Ariño la validation d'un homosexuel, comme pour se rassurer et se convaincre eux-mêmes. Je ne dis pas bien sûr que c'est le cas de tous ses admirateurs, mais je suis persuadé que son succès tient pour une grande part à ce que le petit culte qui s'est constitué autour de lui entendait ce qu'il voulait entendre, sans parvenir nécessairement à s'en convaincre par lui-même.

Ce fut donc mon premier virage: je voulais encore croire que certains des arguments contre le projet de loi était légitime, mais je m'inquiétais d'une certaine forme de durcissement de la perception par beaucoup de catholique du désir homosexuel, inspiré par les thèses apocalyptiques d'Ariño, et commençait (un peu) à élever la voix contre ces dernières.

Pendant ce temps, l'ambiance devenait de plus en plus tendue dans la cathosphère, y compris "modérée". Beaucoup s'en émouvait, mais sans que rien ne semble pouvoir dépasser ces tensions.

Je me souviens que vers cette époque, un site de chrétiens inclusifs (la FHEDLES si je me souviens bien) avait lancé un appel au débat, à l'intérieur de l'Eglise (retour logique de l'appel au débat lancé par cette dernière au sein de la société civile) sur le mariage homosexuel. J'ai diffusé cet appel sur ma page facebook, ce qui m'a valu de me faire quasiment instantanément tomber dessus par un de mes contacts prêtre (plein de qualités humaines par ailleurs)qui m'a fait en commentaire tout un sermon sur l'obéissance au Magistère. J'ai répondu de manière plutôt arrangeante, mais ça m'a beaucoup choqué, et m'a vraiment donné une impression de terrorisme intellectuel. Sur le coup, j'ai failli tout laisser tomber et me barrer dans une communauté protestante, tellement j'étais dans une colère noire.

La seconde révolution, dans mon coeur, fut due à la Manif pour tous initiale, celle de janvier 2013. J'aurais préféré crever plutôt que de m'y rendre, mais je l'ai suivie toute l'après-midi, sur twitter et BFM TV. J'ai été frappé par la revendication implicite de normalité que j'y percevais: le témoignage de vies heureuses, de familles unies, les chants, les danses, l'assurance tranquille d'exprimer le point de vue d'une majorité. Bien loin d'y voir les signes d'une démarche en vérité, ou tout du moins heureuse, j'ai trouvé ces caractéristiques, ainsi que l'autosatisfaction largement affichée des organisateurs et des participants, absolument odieuses, quoique pleines de bonnes intentions. Dans un débat né des revendications d'une minorité qui oeuvre depuis des décennies à modifier le regard porté sur elle, l'ostracisme social dont elle est victime, son statut d'"anomalie" de la nature, le caractère mainstream, intégré, joyeux, festif de cette manifestation m'a paru non seulement contre-productif, non seulement très gravement à côté de la plaque, mais insultant pour la communauté LGBT, concernée quoiqu'on en dise au premier chef par cette loi. Et toute l'après-midi, sur twitter, je lisais les réaction de diverses personnes homosexuelles, qui exprimaient leur effroi, leur sentiment d'insécurité et leur souffrance face à toute cette "joie".

Le surlendemain, je découvrais, via twitter, un texte très poignant et violent d'un homosexuel qui exprimait sa colère, face au succès de cette manif. Très touché par ce texte, je le partageais sur facebook, afin de faire comprendre à mes contacts cathos l'étendue de mon malaise. Quelques minutes après, un blogueur catholique, alors très impliqué dans la Manif pour tous, et passé depuis, armes et bagages, dans les rangs du Printemps français, commentait sur mon mur, en qualifiant le texte de "ridicule", en tournant en dérision les formulations de son auteur, et en l'accusant d'"inverser la haine". L'aveuglement, l'arrogance, l'absence de toute empathie, et la violence de cette réaction m'ont rendu fou. Je publiais dans les heures qui suivaient mon premier billet sur le débat: "L'homophobie introuvable?".

Quelques jours après, je recevais un mail que j'avais longtemps redouté, de la part de la responsable pastorale de mon aumônerie, qui proposait aux animateurs de préparer une séance sur le mariage homosexuel. Je lui répondai de suite, en joignant un lien vers mon billet, et en expliquant que j'étais prêt à aider pour la préparation de la séance et la logistique, mais que compte-tenu du malaise que ce débat suscitait en moi, je serai absent le jour de la séance (qui ne s'est d'ailleurs finalement pas faite).

Par ailleurs, j'avançais dans mes recherches sur les études de genre. Sur le débat sur la filiation lui-même, je prenais conscience que loin d'être évidente, la position "un papa une maman", tout en étant soutenue par certains universitaires respectables, était très débattu, et contestée dans plusieurs disciplines académiques. Je ne comprenais pas comment les opposants au projet de loi pouvait à la fois prétendre réclamer un débat, et ne pas mettre ces échanges de manière explicite sur la table (à part, trop souvent, en dénonçant la "théorie du genre" et le "relativisme"). Il y avait pourtant là matière, en s'appropriant l'évolution récente de l'anthropologie, de la sociologie, etc. à élever nettement le débat. Qui de fait préexistait largement à la Manif pour tous. Depuis le PACS, les arguments des opposants avaient largement été étudiés et discutés par divers universitaires et militants partisans du mariage homosexuel (Eric Fassin, etc.).

Je rédigeais mon premier billet sur les études de genre, quand, la veille de sa publication effective, survint ce qui pour moi constitua LA révolution ultime, et le point de non retour.

Je recevais un mail d'une personne très proche, que je connais depuis de très nombreuses années, qui réagissait à mon billet sur l'homophobie en me révélant son homosexualité, qu'elle me cachait depuis de nombreuses années, en partie du fait de ma foi catholique. J'en ai rendu compte dans un billet précédent, avec les mots suivants:

"Un témoignage reçu cette fois directement par mail, en réponse à mon article sur "l'homophobie introuvable", par une autre personne homosexuelle, très favorable pour sa part au projet de loi, quoique non politisée, m'a fait prendre conscience de l'énormité de cette violence, structurelle et invisible, et a été décisive dans la constitution de ma prise de position actuelle. Cette personne, qui a la mi-trentaine, est issue d'une famille catho de gauche, très modérée sur les questions de moeurs, et est elle-même, et a toujours été, athée. Elle vit actuellement et depuis longtemps dans un milieu plutôt favorable à l'homosexualité. Pourtant, ce n'est qu'à l'âge de 32 ans qu'elle a admis son homosexualité, et encore parce qu'elle a été mis dos au mur, ai-je cru comprendre. Plusieurs années après, elle ne l'a pas encore avoué à tous les membres de sa famille. Ce parcours m'a fait comprendre la force des stigmatisations symboliques associées à la représentation sociale de l'homosexualité, si fortes que même dans des milieux qui se veulent très "tolérants", celle-ci conserve un caractère honteux et inavouable, même à soi-même."
Pour moi, ce fut une prise de conscience très violente, terrible. Lorsqu'en 2005 je me suis confessé pour la première fois depuis mon adolescence, après m'être préparé pendant deux semaines, avoir spontanément décidé de jeuner la veille, et avoir très peu dormi, je pensais que je pleurerai. Je n'ai pas pleuré, ni lors d'aucune confession depuis. Mais là, face à cette révélation, et au retour sur mon propre rapport à l'homosexualité et au débat en cours, j'ai pleuré, et fait des cauchemars la nuit suivante.

Si j'ai pleuré, ce n'est pas parce que je plaignais la personne qui m'avait fait cet aveu pour son homosexualité. Au contraire, admettre celle-ci semblait l'avoir libérée, et aidée à s'épanouir. Mais, bien que j'avais écrit quelques semaines plus tôt un billet appelant à une certaine conversion du regard sur l'homosexualité, je réalisais combien, malgré mes bonnes intentions, j'étais l'objet de représentations sociales homophobes. Combien il est faux de croire que, parce qu'on n'est pas animé de mauvaises intentions envers les homosexuels, on n'est pas imprégnés par certains préjugés, par un certain dégoût. Et j'ai relu toutes mes hésitations et mes atermoiements des mois précédents, la manière dont je m'étais longtemps déclaré incompétent et muré dans le silence plutôt que de questionner l'enseignement du Magistère sur l'homosexualité, non plus comme de l'humilité comme je le croyais, mais comme une fuite en avant et de la lâcheté. Et je me suis haï pour ça. Car en croyant faire preuve de prudence et de sagesse, j'en venais depuis plusieurs années à aller à l'encontre d'un principe qui m'avait ramené, plusieurs années plus tôt, vers la foi chrétienne: le souci de l'autre, du prochain, et la prise de conscience de toutes les petites blessures, les petites inattentions, les petites mesquineries par lesquelles, bien souvent à notre insu, nous blessons en profondeur, voire détruisons à petit feu des vies. Au contraire, je réalisais que depuis plusieurs années, à force de ne pas pointer les contradictions entre ma conscience et certains aspects de l'enseignement de l'Eglise, ou de jongler pour les résoudre, j'en venais à me fermer à toutes les vies, toutes les situations qui mettaient en évidence ces dernières (j'en étais venu, à une époque, à me persuader, a priori, que l'amour homosexuel ne pouvait être sincère, qu'il ne pouvait qu'avoir un arrière-fond purement sexuel et / ou lié à des traumatismes). Ce que je croyais être toujours plus d'humilité m'avait rendu en fait toujours plus arrogant. Je ne dis pas qu'il en va de même pour les catholiques fidèles au Magistère. Je ne doute pas qu'il y en ait beaucoup d'infiniment plus humbles et attentionnés que moi. Mais je suis profondément persuadé que dans cette révélation, bien qu'elle m'ait conduit à affronter la position dominante dans l'Eglise, il y avait quelque chose de l'Esprit Saint. Car elle m'a révélé toute une partie de ma foi qui était factice.

Par contre, à partir de ce moment, j'étais vraiment très, très, très en colère, comme je l'ai rarement été, et comme un certain nombre de mes contacts et lecteurs n'ont pu manquer de s'en apercevoir rapidement.

La deuxième Manif pour tous, qui tombait, ironiquement, le jour de mon anniversaire, n'a guère amélioré mon état. Au travers de le ton offensif de ses organisateurs, dès les semaines qui l'ont précédées, les débordements (certes en partie liés à un problème d'organisation de la Préfecture. mais les difficultés faites par la Manif pour convenir d'un parcours raisonnable n'ont sans doute nullement amélioré les choses), les polémiques infantiles sur le nombre de participants (alors que 300 000 restait un succès énorme), tout cela prenait à mes yeux des allures de révolte d'enfants gâtés. Car tout ce qui s'est passé, qui a valu au gouvernement de se faire qualifier de "dictature", c'est le lot de toutes les manifs à caractère politique. Les gardes à vue, les charges de CRS, les effectifs parfois disproportionnés (j'ai fait une manif de sans papiers avec deux fois plus de CRS que de manifestants), les écarts de comptage, ça s'est toujours vu... Et d'un seul coup ça dérange. J'y ai vu, et je continue à y voir, le corollaire de la normalité affichée, exhibée, de manière arrogante lors de la manif précédente: un sentiment exacerbé d'être la France légitime, la conviction inébranlable de détenir la vérité, que le changement de position d'un gouvernement démocratiquement élu, sur une de ses promesses de campagnes, est un . Comme si les revendication d'une certaine France étaient ontologiquement plus légitimes et plus vraies que celles de la gauche et de la gauche les années précédentes (je me rappelle, dans le même ordre d'idées, certaines réactions quand je me suis étonné que les mêmes qui s'indignaient de la condamnation, certes excessive, du célèbre "Nicolas", étaient parfois ceux-là mêmes qui trouvaient normale quelques mois plus tôt, la condamnation à deux ans de camp des Pussy Riot, pour des faits certes contestables, mais très peu graves dans l'ensemble: je me suis fait traité d'"ordure" sur facebook) . j'avais le sentiment que la droite (je sais qu'il y a des militants de gauche dans la Manif pour tous, mais jusqu'à preuve du contraire, je les considère comme un épiphénomène) découvrait la culture d'opposition, et n'arrivait pas à s'assumer comme telle. La Manif pour tous me faisait de plus en plus penser à ces personnes d'allure bienveillante et amicale, qui deviennent comme folle le jour où on leur dit non. Sans approuver, sur le principe, certaines pratiques récurrentes des forces de police, ni la manière souvent très maladroite dont le gouvernement à géré la préparation du projet de loi, je trouve un peu facile de dénoncer le "mépris" du gouvernement, alors que dès l'origine, la Manif pour Tous irradiait le mépris de ses contradicteurs: en prétendant représenter la "vraie" parole des homosexuels, en gonflant une petite quinzaine de voix homosexuelles dissonantes. En réduisant les promoteurs du mariage homosexuel à d'obscurs "lobbies". En balayant tout l'argumentaire théorique de ces derniers, d'un revers de main, sous le nom fallacieux et réducteur de "théorie du genre", tout les sommant de reconnaitre l'évidence, pourtant largement sujette à discussion, de ses propres conceptions anthropologiques.

J'ai publié plusieurs billets dans les mois qui ont suivi, et je n'y reviendrai pas en détail, d'autant que mon jugement s'est depuis lors stabilisé, en une opposition frontale à la Manif pour tous. Il me semble que la position des opposants a de plus en plus perdu en lisibilité: entre le Printemps français et la MPT, l'éclatement en divers groupes satellites, les tensions de plus plus évidentes entre ceux qui réclament un contrat d'union civile et ceux qui redoutent la "banalisation de l'homosexualité", ceux qui réprouvent sincèrement les discriminations contre les homosexuels et ceux qui célèbrent ouvertement la politique de pays qui répriment pénalement l'homosexualité. Si la position du Printemps Français était condamnable, mais souvent claire sur tous ces sujets, j'ai trouvé que celle de la Manif pour tous, en principe plus modérée, manquait singulièrement de lisibilité. Par exemple, si elle prétend tout à la fois lutter contre l'homophobie et les dérives supposées de l'homoparentalité, pourquoi n'a t-elle pas saisi l'occasion offerte par l'actualité russe, et la mise en place de ce pays d'une politique pour le coup clairement homophobe, pour préciser ses différences: ce qu'elle considérait comme inacceptable chez cette dernière, et la cohérence de cette condamnation avec sa propre position contre l'homoparentalité? Le Printemps français a été clair sur le sujet (en soutenant le gouvernement russe. L'avenir pour tous également (en le condamnant, même si je ne me fais aucune illusion sur les motivations probables de Frigide Barjot, et que sa position par ailleurs me semble particulièrement incohérente). La Manif pour tous, sauf erreur de ma part, est restée... silencieuse. Et je trouve ce silence significatif.

Pour conclure ce billet une fois de plus fort long, je voudrais revenir sur trois points d'achoppement:

1) La "faiblesse" du débat:

Les opposants au projet de loi se plaignent du manque de hauteur du débat. il me semble qu'ils l'ont posé dans des termes qui le rendait impossible. Par exemple, on a beaucoup parlé de l'opposition de juristes. Je ne suis pas moi-même juriste, mais il m'a semblé que le fond du débat ne portait pas tant sur une interprétation littérale du droit, que sur un certain nombre de présupposés théoriques, qui rattachent les principes du droit, et notamment la filiation, a des réalités d'ordre intangible. Je remarque par exemple que revient souvent le nom de Pierre Legendre, juriste et philosophe du droit, dont les positions avaient déjà beaucoup fait parler d'elles lors de la mise en place du PACS. Cet auteur, que je connais il est vrai trop peu, s'appuie beaucoup sur la "loi symbolique" dans sa présentation lacanienne. Il se trouve, par ailleurs, que la discussion des thèses de Lacan a joué une influence toute à fait énorme, notamment aux Etats-Unis, sur la revendication de plus de droits, et notamment ceux aux mariage et à l'adoption , des homosexuels, la dénonciation de l'"hétérosexualité obligatoire", et la constitution des études de genre. On la retrouve à des titres divers, dans les textes d'auteurs aussi considérables que Joann W. Scott, Monique Wittig, Judith Butler, Marie-Hélène Bourcier, etc. En entamant un vrai dialogue avec ces auteurs, et les études de genre de manière générale, on avait les moyens d'entamer un débat de haute volée sur la filiation, me semble-t-il. D'autant que des argumentaires surce sujet avait été publiés en nombre avant 2012. Au lieu de cela, les opposants au projet de loi ont trop souvent présenté leur défense de la loi symbolique et de la complémentarité père/mère sous la forme d'une injonction, préalable à toute discussion, et relégué es réflexiosn issues des études de genre, dans le meilleur des cas, à de doux rêves et d'"aimables truismes" (cette dernière formule made in Koz), et dans le pire à celle d'idéologies mortifères. Autant dire que les partisans du mariage homosexuel que je connais ont souvent eu eux-mêmes le sentiment d'être méprisés, et pour tout dire, d'être pris pour des cons.

Par ailleurs, s'il s'est trouvé nombre de militants pro mariage pour tous pour réagir de manière excessivement agressive à des propos parfois constructifs d'opposants, il me semble que ces derniers n'ont pas toujours été beaucoup plus exemplaire. on a été plusieurs, entre Baroque et fatigué, Anthony Favier, Etienne Borocco, et d'autres à essayer de proposer des arguments de fond en faveur du mariage homosexuel. Et si on a aussi eu des échanges constructifs, je trouve qu'on a subi une proportion très élevée de commentaires hostiles ou condescendants.

2) L'accusation d'homophobie:

Les opposants au mariage pour tous ont fréquemment rappelé les accusation d'"homophobie" dont ils ont été destinataires, pour prouver le "mépris" dont ils estiment avoir été victimes. Le problème est qu'il déforment eux-mêmes le sens de ce mot, en l'assimilant systématiquement à une hostilité explicite et assumée envers les personnes homosexuelles, et à un amalgame avec des positions d'extrême-droite. Or, comme le rappelait fort justement la blogueuse féministe A-C Husson, dans la bouche des partisans du projet de loi, "homophobie" désigne également le poids des représentations culturelles qui nous font apparaitre l'homosexualité comme "anormale". Quand j'ai appris qu'une des personnes qui me sont proches était homosexuelle, c'est parce qu'elle a lu un de mes billets, où je manifestais une approche bienveillante de l'homosexualité. Je n'étais donc pas homophobe au premier sens du terme. Pourtant, quand j'ai reçu son mail, j'ai pleuré, j'ai fait des cauchemars, je me suis mis durablement en colère... Car j'étais travaillé par le poids des représentations culturelles dont j'étais dépositaire sur l'homosexualité, et par leur contradiction avec ce que je connaissais de cette personne. Cet échange m'a dévoilé combien j'étais prfondément homophobe, au second sens du terme. "Homophobe", en ce sens, n'est pas une insulte, mais pointe un débat de fond, qui est celle du substrat culturel de notre perception de l'homosexualité, et, corrélativement, de la différence des sexes et de la filiation. C'est une formulation certes partisane, peut-être discutable dans son usage du suffixe -phobie, mais intéressante, significative, et même incontournable sur le fond.

Prenons un autre exemple: le blogueur catholique Koz n'est pas suspect, pas un seul instant, d'une hostilité particulière contre les homosexuels. Dans le premier billet que j'ai lu de lui, en 2010, il exprimait ses réserves sur l'appel à la continence par l'Eglise, pour les personnes homosexuelles. Il a rappelé sa gêne par rapport au qualificatif de "désordonné" en commentaire de mon propre blog. Il n'est donc clairement pas homophobe, au premier sens du terme. pourtant, il écrit dans un article publié hier sur Rue 89:

" Pour les personnes homosexuelles elles-mêmes, n’auraient-ils pas été préférables aux semaines durant lesquelles elles se sont senties bien souvent à tort, et parfois à raison, rejetées pour ce qu’elles sont ?"
J'aimerais savoir quelle est la légitimité d'un hétérosexuel père de famille, bien intégré socialement et dans l'Eglise catholique, a arbitrer entre les blessures "à tort" et "à raison" des homosexuels (ça vaut aussi pour moi, d'ailleurs). Est-ce qu'il apprécierait que le réalisateur d'Inquisitio vienne lui dire qu'il a été blessé "à tort" par la série?Même si ce qui est à l'origine de ce sentiment de rejet est bien mieux intentionné que ce que l'homosexuel victime pourrait supposer, cette blessure demeure, et doit faire question: est-ce que la réalité des vécus homosexuels a suffisamment été documentée par la Manif pour tous? Est-ce que toute la diversité des témoignages d'homosexuels a été  prise en compte par la Manif pour tous, où s'est-elle appuyé de manière disproportionnée sur le point de vue (certes à prendre aussi en compte) des quelques homosexuels d'accord avec elle? Etc. Ce qui me gêne dans cette phrase, c'est la manière dont elle semble déposséder les homosexuels partisans du mariage pour tous de leur témoignage, de leur parole, au profit du point de vue de la "majorité". Comme si la normalité était la norme de la vérité et du bien-fondé. J'extrapole peut-être un peu, mais il me semble qu'une telle phrase ne rend pas si absurde le débat sur les représentations de l'homosexualité, qui est lié à mon avis de manière indissociable à la question de l'homophobie.

3) L'arrière-plan catholique:

Ce qui m'a peiné dans tout ce débat, plus que le discours homophobe revendiqué de nombre de militants du Printemps français, c'est la manière dont les catholiques modérés ont à peu près constamment noyé le poisson sur l'homosexualité (même si certains manifestants s'en sont émus cet été). Le discours de l'Eglise sur l'homosexualité est inhumain et intenable. La distinction entre acte et tendance n'enlève rien au problème: ne pas condamner moralement la personne homosexuelle reste une peine très lourde si elle est associée à une continence à vie (bien sur celle-ci peut être belle quand elle est choisi, mais la contraindre de la sorte n'est pas beau, pour le coup). Le terme "désordonné" pour dire que ce n'est pas un péché mais qu'en même temps ce n'est pas tout à fait bien non plus est inutilement obscure (et oui je sais que ça vient d'Aristote, Saint Thomas etc...). Faire de la procréation l'accomplissement ultime, seul et véritable de l'amour conjugal me semble douteux et contestable. Et je sais que beaucoup de manifestants catholiques sont d'accord avec moi. Ils le dissimulent souvent en parlant de problèmes pastoraux. Mais il ne s'agit pas d'un problème pastoral, mais doctrinal. Il y a des choses dans la doctrine de l'Eglise sur la sexualité qui sont obsolètes, qui sont liées à des représentations culturelles contingentes et datées (et le synode sur la famille à l'initiative du pape devrait être, pour moi, l'occasion de les mettre sur la table. Je n'en démordrai pas. Et si on me parle de l'infaillibilité ordinaire, je répondrai que je tiens, avec une absolue conviction, que l'argumentation de l'Eglise sur l'homosexualité est faible, au regard des vies humaines que j'ai croisées, des prochains homosexuels qui ont été les miens, et que soit cette "infaillibilité" est relative, soit, tout étant lié, tout devient faux. Je suis fatigué de ce fétichisme de la doctrine qui en vient à durcir les coeurs et abolir le discernement (non pas que la doctrine en elle-même soit mauvaise, mais un certain usage de celle-ci l'est clairement à mes yeux). De même, j'en ai plus que marre du terrorisme intellectuel de ceux qui relègue chez les "protestants" les opinions dissidentes. Je crois me souvenir qu'il fut un temps où les catholiques reconnaissaient à Luther certaines critiques valides, mais lui reprochaient d'avoir quitté l'Eglise. Maintenant, les opinions dissidentes sont priées quasi systématiquement de déguerpir sans faire de scandale. J'ai trop de respect pour tout le bien que j'ai vu dans l'Eglise, et par elle, et pour son Unité pour me barrer à cause de la crispation de certains sur l'homosexualité. Je renoncerai à dialoguer avec l'Eglise, et à m'efforcer d'y appartenir, quand je n'y verrai plus rien de bon.

Et Dieu soit loué, j'en suis loin!

40 commentaires:

  1. Quelques remarques.

    1) Personnellement je n'aurais pas le courage de faire un retour retrospectif. Je n'ai pas vécu une telle "conversion" à la découverte d'une homophobie (je reviendrais sur ce thème) de l'Église catholique, l'ayant depuis très tôt rejetée. En revanche cet épisode a été pour moi l'occasion d'approfondir mes positionnements pro-mariage pour tous (je me rappelle en avoir discuté à ... 14 ans, avec une copine de collège, et j'y étais déjà favorable, lors du mariage de Bègle) et surtout de mieux saisir les enjeux politique d'une telle mesure.

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  2. 2) Sur l'homophobie de l'église, elle n'est pas seulement culturelle, mais aussi structurelle. J'entend par là que la culture catholique entraîne une structure de la pensée qui ne peut qu'amener à des positions hostiles aux droits des personnes homosexuels – ce qui ne veut pas dire nécessairement que l'Église catholique soutient les ratonades. Elle vient d'une conception essentialiste de la nature humaine, hérité de Thomas d'Aquin et d'Aristote. Je suis moi même de formation confessionnelle catholique, mais de formation théologique protestante. Et c'est ce débat qui m'a fait comprendre pourquoi en milieu protestant non littéraliste, on pouvait beaucoup plus facilement soutenir le mariage pour tous : parce que la conception de l'humain – et de Dieu – n'est pas essentialiste, mais relationaliste. Ce qui compte n'est pas une supposée immuable nature humaine, mais la manière dont l'individu entretient des relations. Du reste je tiens à souligner que
    a) bien que les termes d'essence et de nature immuable fassent parti du débat trinitaire dans l'église des premiers siècles, les Pères de l'Église (qui certes n'auraient pas soutenu le mariage pour tous) avaient aussi une démarche relationaliste : ainsi trouve-t-on des expressions étrange comme "le fils du Père", qui, si elles peuvent sembler tautologique, ne sont rien de moins que l'expression du fait que le mystère trinitaire, avant d'être un mystère "essentialiste" et un mystère "relationaliste".
    b) la pensée de Thomas d'Aquin, dont certains se servent pour lutter contre les "travers modernes du relativisme" était elle même considéré comme très modernistes, voir trop moderniste, à l'époque de Thomas d'Aquin. Autrement dit : l'argument d'autorité d'une pensée "historique" en terme d'essence et qui serait la seule à même de servir une conception anthropologique des relations hommes / femmes est elle même ... relative historiquement.

    Si donc on cesse de poser comme postulat de départ une essence / nature immuable, mais on s'interroge en terme de relation, on peut pleinement saisir l'apport des études de genre, mais aussi s'interroger plus sereinement ce sur quoi signifie être parent.

    Or, et c'est là où je veux en venir, il me semble que la démarche protestante (relationnaliste) est beaucoup plus évangelique que la démarche essentialiste du catholicisme. Le Christ lorsqu'il guerit et pardonne ne pense jamais en terme d'essence (celui ci est pécheur) mais en terme de relation (ta relation A dieu / aux hommes / à l'argent est faussée. Tu peux la changer.). De même lorsqu'il parle de son rapport avec le Père (attention, n'allez pas croire que par là je serais tenant d'une "christologie basse". Au contraire. Mais ma "christologie haute" est basée justement sur cet aspect relationnel).

    Pour finir sur cet aspect, je dirais également que le contexte catholique actuel de remise en valeur du néo-thomisme – au détriment du "renouveau patristique" au tournant de Vatican II n'est à mon avis pas pour rien dans les difficultés catholiques d'appréhender sainement la question du mariage pour tous.

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  3. 3) sur la difficulté de certains manifestants à découvrir ce qu'est un pouvoir, et notamment un pouvoir étatique, je ne peux que partager ton constat. Sur le caractère hypocrite des des indignations également (valable aussi dans d'autres camps)
    4) curieusement, l'argumentaire du catholiscime "on condamne les actes mais pas les personnes", bon nombre de catholiques sont incapables de se l'appliquer à eux même lorsqu'on certains (dont moi) condamne la position catholique, ce n'est pas une cathophobie, mais un rejet de leur attitude, ce qui n'implique rien quant aux personnes (le parallèle avec l'homophobie pourrait être fait par certains opposants catholique. La différence est qu'en catholicisme, l'idée d'une relation non héterosexuelle est impossible, inconcevable, considéré comme "manquant sa cible" (ce qui est l'exacte définition de la notion de pêché dans le langage du NT). L'homophobie y est donc structurelle. En revanche dans le rejet d'une partie des discours catholiques est lié à ce discours. Qui peut être amené à changer (et qu'on aille pas me dire que l'Église catholique ne change jamais de discours. Au 19ème s. la non liberté religieuse était considéré comme une des bases de la pensée catholique ... heureusement cela a changé. On peut penser que l'essentiallisme de genre aussi pourra un jour changer en catholicisme)
    5) j'ai en revanche été comme toi frappé par le recours à l'argument d'autorité. Non seulement au sein du catholicisme (tu ne peux pas tenir une position contraire au magistère catholique) mais aussi a destination de l'extérieur. Et l'argument d'autorité vers l'extérieurs est encore plus pervers. Je pense par exemple à ce discours scandaleux de Mgr 23, selon laquelle les parlementaires qui ont voté le mariage pour tous l'ont fait contre leur conscience. Ce qui revient à dire que Mgr 23 sait mieux qu'un individu quelle est sa vrai conscience.

    Bref, je crois que l'affaire du mariage pour tous n'a fait que montrer l'aporie d'un certains types de pensée catholique... Mais comme je dit, l'Église est capable d'évoluer. La preuve, toi et moi sommes AUSSI l'Église, et n'avons pas cette position.

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  4. C'est assez intéressant de lire ce billet peu après le bilan de Koztoujours. N'arrivant pas à comprendre la pensée religieuse, vos billet sont très instructif.

    Entre Embruns et Eolas qui partagent votre lien, vous allez avoir du monde qui va venir ici; je vous souhaite de ne pas devenir le Xavier B. des catholiques, sous prétexte que vous vous exprimez et aller contre le point de vue majoritaire du groupe auquel vous dites appartenir.

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  5. @Arthur : je pense que Dearth Manu est bien plus représentatif que Xavier B. La communauté des cathos "de gauche", "progressistes", ou quelle que soit l'étiquette (qui caricature toujours un peu) est quand même bien plus vaste, même si elle est minoritaire...

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  6. Un regard que j'ai trouvé vraiment intéressant sur la question du mariage pour tous et des événements qui en ont découlé. Merci.

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  7. Votre 2) sur l'accusation d'homophobie est excellent ; le reste est à l'avenant.

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  8. http://www.devenirunenchrist.net/

    http://www.eglise.catholique.fr/eglise-et-societe/famille/le-couple/eglise-et-homosexualite-.html

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  9. Merci d'avoir partagé et documenté si précisément vos chamboulements intérieurs. Je trouve votre décryptage des ressorts de l'homophobie dans les attitudes et les discours tout-à-fait juste et édifiant.

    De mon côté pourtant, catholique et partisan de la loi, je n'ai pas senti ces tensions et ce malaise dont vous parlez, sauf pour la partie concernant l'homophobie latente sous forme de préjugés que je sens aussi chez moi. C'est sans doute que je ne suis pas impliqué comme vous dans la pastorale. Il n'y a pas eu de débats, de mots d'ordre, de position commune à ma paroisse (Paris XXe). Les paroissiens étaient divisés sur la loi: les partisans étaient certes minoritaires.

    Les positions de l'église sur l'homosexualité me sont difficilement compréhensibles. Je prends avec assez de détachement ces positions et plein d'autres (sur la sexualité, l'éducation etc.), je n'ai pas l'impression qu'elles aient une réalité effective dans la vie des paroisses que j'ai pu fréquenter au cours de ma vie. (certes, je ne suis pas homosexuel, c'est plus facile) Peut-être suis-je naïf ou mal informé, mais je vis ma vie de chrétien pratiquant dans l'ignorance totale du contenu du catéchisme de l'église catholique, et je ne ressens aucune contradiction ou malaise. Comme si le haut clergé et son magistère étaient à grande distance de la foi comme je la vis - une espèce de foi du charbonnier qui ne prête aucune attention aux agissements des sphères élevées de l'église. À regarder autour de moi, je vois de nombreux catholiques dans la même attitude.

    Par ailleurs, l'église n'a pas de magistère moral, culturel ou social dans la société, ce qui est une bonne chose. J'ai donc du mal à percevoir pourquoi vos amis homosexuels - s'ils ne sont pas catholiques - souffrent de vous voir partir pour une retraite spirituelle. Que les positions de l'église officielle soient homophobes, qu'est-ce que ça fait pour les homosexuels s'ils ne sont pas membres de cette église? Pourquoi la voix de l'église a-t-elle une quelconque valeur pour eux, autant dirai-je que celle de Poutine ou d'autres homophobes patentés qui se sont exprimés depuis l'étranger contre la loi?

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    1. De mon point de vue (ancien chrétien et actuel homo parce qu'aujourd'hui les deux me semblent incompatibles), la voix de l'Église n'a aucune valeur.

      Sauf quand elle appelle des citoyens à s'opposer à ce que d'autres citoyens puissent avoir des droits de citoyens, au nom des valeurs de l'Évangile (le glissement de l'Église à l'Évangile est volontaire).

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    2. "(ancien chrétien et actuel homo parce qu'aujourd'hui les deux me semblent incompatibles)".
      Je ne suis pas d'accord avec vous; la qualité d'homosexuel chrétien n'est pas incompatible avec la parole évangélique, elle l'est seulement avec le Magistère catholique. Nombreux sont ceux, chrétiens d'horizons fort divers, qui l'ont argumenté ces derniers mois mais l’Église catholique, forte de ses certitudes intangibles, y est restée sourde... Penser le contraire serait faire injure à tous les homosexuels chrétiens qui ont mené combat pour l'adoption de la loi et qui vivent au quotidien les valeurs de l’Évangile en assumant leur identité.
      J-C.H


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  10. Merci à Anonyme de 23:50, je suis également catholique et partisan de la loi. Je ne me considère ni de droite ni de gauche mais au Christ et je partage votre commentaire.

    Il y a le Christ, il y a l'Eglise, il y a les institutions ecclésiales. Chacun essaye de faire de son mieux avec ses limites : l'institution ecclésiale en a beaucoup, c'est évident, mais elle nous est utile et est également remplie de gens admirables.

    De mon côté je n'ai pas du tout ressenti cette haine non plus : les catholiques ont été partagés, globalement tout le monde souhaitait qu'une solution puisse être proposée. C'était le moment de créer un consensus.

    Malheureusement, nos représentants politiques ont choisi de rendre le sujet conflictuel : utiliser le mot mariage, qui est un sacrement pour les catholiques mais aussi pour les juifs et les musulmans (dont l'opposition ferme a été moins médiatisée), c'était s'assurer l'opposition de principe d'institutions où la sexualité est de nature reproductive et où le mariage vise à assurer la procréation de l'espèce.

    Si le sacrement de mariage religieux avait pu être dissocié du type de contrat d'union civile, le débat eut été apaisé et consensuel : cela n'a pas été voulu, le conflit a été organisé et entretenu.

    Ce n'est pas une question de droite ou de gauche : l'évidence veut que deux personnes humaines qui souhaitent unir leur destin par un contrat devant le représentant social puisse le faire et ce quelle que soit leur sexualité. Qu'ils puissent devant un notaire ou un avocat sceller un contrat cela ne concerne pas le religieux.

    Seulement voilà, utiliser le mot mariage, mot multi millénaire, avec ses sens attachés par les cultures qui l'ont porté, c'était volontairement agresser ces cultures là.

    J'ai marié mon cousin avec son ami il y a deux mois. C'était sympa. Un peu matuvu certes mais sympathique et toute ma famille catho était là, avec les mariés et nous leur avons sincèrement souhaité tout le bonheur du monde à eux parce que c'est leur choix, leur engagement, leur contrat et que fêter cela avec eux c'était bien. Le prètre les a bénis dans la chapelle, en petit comité pour ne pas heurter : il les a bénis et bénit leur décision, il ne les a pas "mariés". Les parents et beaux-parents étaient heureux.

    Je crois beaucoup en l'Eglise, elle a le christ a sa tête. Les institutions, ce sont les institutions et il faut s'en accomoder : pour le meilleur et pour le pire.

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    1. Mais c'est justement ce refus d'utiliser le mot "mariage" pour les couples homos qui est symboliquement violent, et qui est "homophobe" au sens second si bien décrit par l'auteur du billet.

      La seule autre solution, pour supprimer cette exclusion symbolique, aurait été de supprimer le mariage. Je ne suis pas sûre que le mécontentement des cathos eût été moins fort.

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  11. Bien sûr, il y a eu et il y aura de l'homophobie chez les cathos... et ailleurs! La pratique psychanalytique (que je connais) montre qu'il y en a beaucoup chez les homos eux mêmes, c'est une vérité qu'Arino a raison de dire, même si vos critiques à son sujet sont souvent justes ( pas toujours).
    Bien sûr, l'appel à condamner durement les Pussy Riot et l'homosexualité, à voter à droite sont blâmables. Je me demande dans quelle paroisse vous vivez d'ailleurs parce que les paroisses que je fréquente n'ont jamais soutenu de tels propos. ( Messe qui prend son temps, paroisses du 77, de Meaux, du Loir et Cher,du Lot,du Gers)
    Bien sûr, les études de genre sont mal connues. Mais pas par tous.On peut leur reconnaître un intérêt certain.Et ne pas adopter les conclusions que LGBT en tire. On peut aussi en lire les critiques mesurées, telles que celle de JC Guillebaud.
    De même, on peut aussi lire VRAIMENT Pierre Legendre, dont j'ai N fois recommandé la lecture mais que je n'ai JAMAIS vu cité, contrairement à ce que vous dites.
    On peut aussi admettre que des gens de gauche, des divorcés, des athées ... étaient présents dans ces manifs. J'en ai des exemples personnels assez nombreux. Je n'y peux rien si ces gens ont apparemment aussi le look catho puisqu'ils n'ont pas été repérés...
    De même, des soignants, des psychanalystes ont pris position, comme JP Winter. Mais il était très difficile de les écouter parce que toute opposition était considérée comme de l'homophobie, du fascisme. Un peu comme lorsque toute réflexion sur l'immigration,même lorsqu'elle émane de démographes ou de penseurs honnêtes comme Finkielkraut, est taxée de fascisme.
    Permettre le débat aurait évité de radicaliser certains parmi les uns et d'entendre vraiment les autres..
    Cela aurait permis d'entendre la voix de ceux qui tentaient de faire comprendre que le problème n'est pas l'homosexualité, mais " la définition institutionnelle du couple de parents comme étant de même sexe". Que c'est là qu'est le vrai combat ; si des homophobes et des crétins se trouvaient dans nos rangs, on les a confortés dans leur connerie à ne pas vouloir entendre que c'est cette définition là qui pose problème! Et, ensuite, si l'on avait décidé de voter quand même la loi, c' aurait été APRES avoir entendu cet argument là, pas en refusant de l'entendre.
    J'ai subi moi aussi beaucoup de violences : alors que j'ai été mesurée dans tous mes propos publics, j'ai entendu des choses terribles : des cathos qui me disaient à la sortie de la messe où je distribuais des tracts, que je méritais des claques et que le Christ m'en donnerait s'il revenait, que j'irai en enfer.....De mes amis de gauche , d'extrême-gauche même et incroyants (il se trouve que je suis quasiment née dans ce milieu là et que je ne connais presque pas de cathos bon teint comme vous semblez en connaître), j'ai entendu des choses affreuses, on m'a tourné le dos. Prof et infirmière, engagée comme prof dans la transmission du savoir pour TOUS, engagée dans le devoir de mémoire par conviction, par héritage familial et par choix existentiel que j'ai fait lorsqu'en cinquième j'ai vu Nacht und Nebel, choix dont je ne me suis jamais départie, engagée au service des pauvres et des petits ( je suis à l'heure actuelle revenue à mon 1er métier d'infirmière et travaille auprès de toxicomanes et clochards), je me suis vue traiter de facho, on s'est réjoui lors d'un dîner d'amis qui connaissaient mes engagements contre la loi Taubira que "les gens de LMPT se soient fait casser la figure"..etc.
    Voyez vous , les choses sont encore plus compliquées que vous ne les dites.
    Marie C

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    1. Vous n'avez jamais vu citer Legendre ? vous n'avez pas dû beaucoup lire les blogs des LMPT, alors ! Koz l'a cité, Nicolas Matheys encore plus souvent, Arinho bien sûr... Cela dit, je suis d'accord, on peut le lire avec intérêt (mais sans ignorer la part de postulat de ses - riches - écrits).

      Quant aux paroisses qui ne se cachent pas d'être de droite, ou qui le sont avec une naïve inconscience, j'en ai fait très souvent l'expérience, à Paris, à Evry, à Sarcelle, à Strasbourg... (mais pas à la Messe qui prend son temps, un chouette endroit).

      Pour l'expérience que vous décrivez, je connais ça et vous crois volontiers (le catho "de gauche" est une espèce hétérogène et disparate, et toujours minoritaire, donc facilement dénoncée par les camps auxquels il appartient, qu'il soit pro ou anti-mariagept) - mais je pense qu'il faut savoir relativiser : malgré la bêtise de ces attaques, on n'a pas manifesté contre vos droits, on ne vous a pas dénoncés pour ce que vous êtes intrinsèquement, je ne crois pas qu'il y ait eu multiplication des chrétiens de gauche par les gauchistes... Pour toutes ces raisons, on ne peut pas se poser comme victime, en tout cas pas avant d'avoir compris et reconnu ce qu'avaient subi les homos durant cette période.

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    2. Rajouter : multiplication "des agressions" des cathos de gauche par les gauchistes.

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  12. Absolument passionnant.

    C'est un texte que j'avais sans doute envie de lire depuis pas mal de temps : voir à l'oeuvre quelqu'un qui, face à une question complexe, refuse la pensée toute faite ainsi que la posture qu'elle implique pour réfléchir par lui même, se renseigner, approfondir, penser encore, s'interroger et créer sa position propre à partir d'une pensée structurée, c'est sans prix.

    Emmanuel, je vais être fanc : ta position me fait plaisir à titre personnel. Je dois dire que l'exercice m'aurait de toute façon satisfait si tu étais arrivé à une position totalement inverse. Ce dont nous manquons le plus dans ce débat - et quelque part dans cette société de la "communication - c'est d'une pensée structurée, cohérente et argumentée.

    Ton positionnement "pro réforme" me fait plaisir, superficiellement. Cette volonté de former ton raisonnement - quel qu'il soir - est une joie profonde : nous n'avons pas encore collectivement renoncé à penser.

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  13. Excellent billet.

    Catholique moi-même, mais ayant depuis mes études supérieures été confronté au fait LGBT (pas trop T en fait), je n'ai pas vécu ces affres dont vous avez le courage de nous faire part ici.

    En revanche, issu d'une famille catholique, j'ai été sidéré -- choqué -- traumatisé de voir l'opposition farouche de ma famille au mariage "pour tous".

    Je pense qu'il faut ajouter un aspect, qui répondra peut-être à Anonyme 8:05.

    Depuis Napoléon, il y a un mariage religieux, et un mariage civil. Le mariage religieux parle d'amour et de filiation (et je tique au second), le mariage civil parle de fidélité et d'assistance (et très très très marginalement de filiation, vérifiez).
    Dès lors, revendiquer que le mariage civil se calque sur les conceptions catholiques est une hérésie civile.
    D'ailleurs, comme j'ai dû le rappeler à mon père, il y a en France plus d'homosexuels que de catholiques pratiquants. C'est un fait. Il est du coup un petit peu curieux d'imposer aux premiers les vues des seconds. Que penseraient les catholiques si l’État votait une loi les empêchant de se marier ?

    Enfin, soyez bien persuadés que les homosexuels catholiques revendiquent également le droit de se marier à l'église. Et à raison à mon avis :
    - Leur amour est-il différent de l'amour hétérosexuel ? absolument pas.
    - La filiation impossible est-elle un critère suffisant ? non. Ou l’Église empêche-t-elle un couple stérile de se marier ?

    Donc oui, pour un homosexuel, se voir opposer sa sexualité pour empêcher un mariage (civil ou religieux) est du même ordre d'absurde et de la même violence que lorsque l'on empêchait deux personnes de races différentes de se marier -- pas en France, bien sûr.
    Exactement, très précisément du même ordre.

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  14. @Ajax

    1/ je ne suis pas "contre" le mariage pour tous, j'ai soutenu le projet. Je dis simplement que je comprends que l'usage du terme pose problème à ceux qui l'ont quasiment créé et utilisé depuis des millénaires : les religions du livre.

    2/ Ce n'est pas être homophobe que d'être choqué qu'un mot dévoyé de son sens initial, à tort ou à raison, puisse poser un problème à ceux qui s'en revendiquent les détenteurs. C'est être conservateur de sens et d'usage et, effectivement, pour construire quelque chose il faut se baser sur l'existant quitte à blesser ceux qui vivent selon ce mode là.

    3/ Le "mariage" civil est effectivement une erreur de nommage car c'est une usurpation d'un concept religieux qui le dévoye de son usage premier ainsi que le note un commentateur anonyme. C'est là où le politique eu pu faire preuve d'intelligence et les religions auraient bien volontiers accepté, j'en suis certain, de rester détenteur du nom mariage et de l'associer à l'un ou l'autre des contrats civils.

    4/ Cette volonté laïque de bafouer les valeurs des religions en mimant de ci de là telle ou telle pratique et en faisant des cérémonies païennes devant les idoles du moment (Président, Maire ou parfois même druides) ridiculise le sens premier du mot.

    Bref, je suis pour le "mariage pour tous", j'ai soutenu l'idée, le débat mais je comprends très bien les arguments des opposants. Ils restent à mon sens aussi respectables les uns que les autres. (je souris quand je lis d'un commentateur qu'il y aurait plus d'homosexuels que de catholiques pratiquants : je pense que c'est faux et cela n'a rien à voir de qui à la plus grosse, c'est stupide).

    Au final, merci à l'auteur pour ce témoignage : je pense qu'il a un entourage un peu particulier et sectaire mais il a au moins réfléchi au problème.

    Reste le vrai débat : la procréation assistée pour tous.

    Pour ma part je suis contre, autant pour les homo que pour les hétéro : l'idéalisation des humains qui se veulent tout puissant entraîne le fanatisme et l'exclusion des plus faibles. Je souhaite un monde qui accueille les handicapés, les pauvres, les paumés, les toxico, les gueules cassées pas un monde qui se donne le droit de manipuler les vies selon son bon plaisir.

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  15. Merci pour vos réactions qui me touchent beaucoup. Je tacherais d'y répondre en détail d'ici ce we. :-)

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  16. @Anonyme 15h52,
    Pour mémoire, le mariage existait bien avant les religions du livre, qui ne sont absolument pas détentrices du concept. Au contraire, on pourrait argumenter assez facilement que les religions ont dévoyé le terme entre le IIIème et le XIIIème siècle.

    En ce qui concerne le nombre d'homosexuels vs le nombre de catholiques pratiquants (dont je fais partie), vous pouvez penser ce que vous voulez, ou chercher à vous renseigner, ce que j'ai fait.

    Quand a votre interprétation "qui a la plus grosse", qui vous fait rire... vous ne devriez pas. C'est exactement le débat.
    Pourquoi les catholiques pratiquants seraient-ils gardiens de l'orthodoxie maritale, et pas les homosexuels ? Nous vivons en démocratie, pas en théocratie ou en "historiocratie". La plus grosse minorité impose sa volonté à la plus petite. (La plus petite fut-elle agressive, et elle l'a été au-delà de toute raison, comme si bien rapporté par ce billet.)

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  17. Merci pour cet article qui illustre bien ma pensée. Je suis pour le mariage et l'adoption pour tous également même si ce débat a créé des grosses engueulades familliales

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  18. Bonsoir Manu,
    Votre texte - vous savez déjà que je suis en accord total avec vous et j'ai exprimé sur ce blog comment j'ai mal vécu toute cette période - m'a inspiré deux réactions, écrites à l'ami qui m'a envoyé le lien en ignorant que je vous lisais déjà :
    1° oui, vous lire rassérène quand on est d'accord avec vous, mais il est frappant de constater que l'Eglise-institution continue à faire comme si nous n'existions pas et n'a, à ma connaissance, pour l'instant manifesté aucune velleité de réfléchir à sa propre attitude l'an passé.
    2° j'ai vécu le même "basculement" que vous, tant sur le mariage homo que sur le genre. j'étais déjà convaincue avant, mais au fond, tout ça me semblait bien secondaire ; je me souviens m'être gentiment moquée du combat pour la disparition du "mademoiselle" dans les formulaires administratifs, considérant que la demande, quoique légitime, n'avait aucune espèce d'importance réelle. Aujourd'hui, je suis prête à militer pour cette suppression, qui me semble très significative (comme changer le nom de l'école "maternelle"...). Sur le mariage gay, je prends de moins en moins de gants (le "je peux comprendre qu'on soit contre" qui débutait généralement mon propos il y a un an, je le dis de moins en moins... parce que non, je ne peux pas le comprendre, en fait, et que c'était surtout une formule diplomatique). Et je ne suis pas la seule. Le dialogue est extrêmement difficile, parce qu'il y a, derrière les positions catholiques sur ces deux sujets, de vraies violences faites aux personnes.
    Vous terminez par une note optimiste ; je me rends compte que cet optimisme me demande aujourd'hui un effort. et trop souvent je suis triste quand je pense à ce que cette année a montré de l'Eglise de France - qui a tellement mieux à montrer...

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  19. Bonsoir, j'ai lu votre article sur Rue89. Je vous remercie d'avoir pris le temps de l'écrire et ainsi témoigner que l’Église (l’Église ce n'est pas d'abord l'institution mais la communauté des croyants) est plus diverse et ouverte qu'on ne le croit.
    Je n'étais pas exactement favorable au mariage des personnes de même sexe, j'aurais préféré une union civile résolvant les vides juridiques dont souffraient les couples homosexuels. Mais j'ai été comme vous très irritée par la tournure qu'a pris le débat. Je pense que le gouvernement n'a pas été si malin que ça, et je le soupçonne même d'avoir volontairement "clivé", comme on dit maintenant. Cependant, comme disait à peu près Mauriac en son temps, si les athées sont belliqueux, ils font leur "boulot" d'athées. En revanche, il est scandaleux que des chrétiens se comportent de même.
    Ce climat avait déjà commencé, comme vous l'avez ressenti, lors de la campagne présidentielle. J'en ai été très affectée, non dans ma foi, mais dans ma pratique religieuse, et dans ma relation avec mes "frères" catholiques. C'est pourquoi je suis heureuse de lire votre papier, qui me rappelle ce que je disais au début : que l’Église est diverse. J'ai entendu une fois le pape François dire en substance qu'il est bon de s'exprimer, mais qu'il ne faut pas se crisper sur des débats politiques. Cela aussi m'a fait du bien. Merci, donc. "Et paix sur terre aux hommes de bonne volonté".

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  20. Merci pour ce magnifique texte. Je suis tombé dessus sur rue89.

    Vous avez dit la plupart des choses que je ressens à ce sujet, et que je n'avais jamais entendu de manière aussi globale et organisée. Et cela me touche d'autant plus que nous sommes très différents : je suis homo et athée.

    Vous avez illuminé mon après midi et celle des amis à qui j'ai fait lire votre splendide texte qui m'a fait pleurer d'émotion. Merci du fond du coeur.

    Beaucoup de bonheur dans votre vie.

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  21. Merci pour votre article que j'ai trouve absolument brillant.

    Homosexuel moi-meme, j'ai traverse la France a deux reprises pour me rendre aux manifestations en faveur du projet de loi. Les propos que l'on a pu entendre dans les medias de la part de certains personnages politiques et lors des rassemblements de la "Manif pour tous" ont progressivement eu raison de ma bonne humeur naturelle. J'eprouvais un reel malaise face aux discours ignorants qui ont ete prononces. Je les entendais mais je ne pouvais pas leur repondre. Je sentais cette frustration qui me devorait peu a peu. J'ai donc pris la decision de quitter la France et ai habite au Canada pendant quelques mois. J'avais besoin de reflechir dans une atmosphere respirable.

    Ma motivation principale pour ce projet de loi reposait moins sur l'egalite devant la loi que sur la visibilite qu'elle apportait aux homosexuels dans leur combat contre l'homophobie. Comme James a qui vous faites reference dans votre article, les insultes ont fait partie de mon quotidien en grandissant. Je me rappelle encore de la premiere fois ou j'ai ete traite de "tapette". J'etais en classe de CP et mon institutrice m'avait demande d'apporter un document a un autre instituteur. Quelques secondes plus tard, j'entrais donc dans la classe de cet instituteur et me dirigeait vers le bureau. La porte etant situee au fond de la classe, je devais remonter les rangs d'eleves. Alors que je passais a cote d'elle, une fille assise au fond lacha un : "Tapette !". Je fis semblant de ne pas entendre mais je ressentis de l'embarras et de la honte. Sur le moment, je n'associais pas le terme avec l'homosexualite. A 5 ans, je ne savais evidemment pas que que j'etais homosexuel. Pour moi, c'etait un terme utilise pour decrire un garcon qui se comportait comme une fille, quelque chose de bizarre, d'indefini, d'anormal. En fait, on me niait ma condition d'etre humain. Je ne devais pas exister. Pendant des annees apres cette episode, j'ai eu ce frisson desagreable qi me parcourait la colonne vertebrale a chaque fois que j'entendais ce mot detestable.

    "Pede", "Tapette", "Pedale", je les ai toutes entendues, ou presque. Je savais, dans la cour de recreation, de quelles personnes il me fallait me tenir eloigne pour ne pas les entendre etre proferees a mon intention. J'ai appris longtemps apres que le surnom qui m'avait ete affuble derriere mon dos au college etait "Le Ped". A 26 ans maintenant, je ne les entends heureusement plus aussi souvent. Une fois par an en moyenne, en marchant dans la rue et prononcees par un groupe d'adolescents. Bref, c'est une histoire, c'est mon histoire. C'est a partir de ca que j'ai du me construire en tant qu'individu. Ca fait partie de mon identite.

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    1. (suite)


      La societe est encore reticente a reconnaitre l'existence de la population homosexuelle. Elle ne veut pas entendre parler de nous, ca la mettrait mal a l'aise. Cela m'a particulierement frappe plus tot cette annee. Alors que je travaillais en open space dans une banque, un collegue se plaignait de l'absence de libido de sa compagne en fin de grossesse et cherchait conseil aupres des autres membres de mon equipe. Il decrivait la situation avec des termes beaucoup plus fleuris que je ne l'ai fait moi meme. Mes collegues trouvaient l'histoire absolument hilarante et les blagues grasses fusaient. Dans ma tete se jouait un scenario similaire dans lequel il ne s'agissait pas d'une compagne enceinte mais simplement d'un compagnon. Dans ce scenario, les seules reactions etaient un silence gene et des regards fuyants. "On sait que les homosexuels, ca existe mais on ne veut pas en entendre parler", c'est ce qu'ils disent, non ?

      La societe n'a pas encore conscience de la diversite qui existe au sein de la population homosexuelle. Elle est a peine plus a l'aise face a un homosexuel qui serait macho, qui regarderait le football et qui boirait de la biere. Quant a moi, j'ai herite du limp wrist, du lisp et du funny walk (i.e. un poignet mou, un defaut de prononciation et une demarche un peu particuliere).

      C'est ce combat contre l'homophobie que j'ai livre et que je continue de livrer. Ces gens qui ont manifeste contre le projet de loi ont contribue a libere la parole homophobe. Je veux bien croire que pour beaucoup, ce n'etait pas la leur volonte mais leurs actes ont des consequences durables.

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  22. Bonsoir.

    Comme j'ai eu l'occasion de te le dire sur Twitter, merci pour cet article. Je ne suis pas d'accord en tout avec toi, mais c'est un article qui me touche, en ce sens qu'il ébranle quelques certitudes. Et pour te lire de temps à autres (il faut du temps pour te lire ;-)), j'apprécie beaucoup ton honnêteté intellectuelle. Merci, vraiment.

    Comme tu me l'as dit gentiment, je fais plutôt parti du camp d'en face. Pourtant, j'ai partagé quelques unes de tes réactions. Les outrances quand on parlait de Manuel Gaz ou de dictature, en oubliant complètement la chance que nous avons de vivre dans une démocratie stable (et améliorable bien entendu). Ou ce sentiment que le débat tant demandé (des états généraux par exemple) ne l'était que parce que convaincu qu'il conclurait dans un sens (j'ai défendu au contraire l'idée d'un référendum, pas gagné d'avance, et on m'a expliqué que c'était une connerie, qu'il n'y avait qu'une solution : le retrait pur et simple).

    Si je te trouve assez dur contre Philippe Arino, j'avoue que je suis maintenant un peu perdu par son discours (sur son site CUCH par exemple, mais j'avoue que je n'ai pas trop approfondi) et il me semble maintenant un peu prisonnier de son personnage.

    Ton billet fait prendre conscience des blessures infligées, sans que nous le voulions, ou sans que nous nous en préoccupions vraiment (mais en affirmant le contraire). Merci de rappeler que ce doit être un impératif pour tout chrétien.

    Je reste malgré tout opposé à cette loi. Uniquement à cause de l'impact sur la filiation, ne pouvant me résoudre à admettre qu'on puisse dire à un enfant qu'il a 2 mères ou 2 pères. Sans oublier que le prolongement "naturel" de cette loi sont la GPA et la PMA. Est-ce que marquer cette opposition est le signe d'une homophobie au second sens du terme ? Je n'espère pas. Et je ne le crois pas.

    Quant au discours de l'Eglise, nonobstant les difficultés à l'entendre et le comprendre, je suis persuadé qu'il est chemin de vie et de bonheur. Parfois en disant "non". Mais avec toujours cette liberté - essentielle - de ne pas le faire sien, en totalité.

    Sincèrement.

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  23. Manuel,

    il y a un sujet qui pour le moment, dans aucun texte écrit sur cette longue bataille : c'est le sujet des injures, insultes et souffrances.

    Injures et insultes homophobes d'un coté. Je l'ai dit encore hier à Koz : la comparaison entre l'homosexualité et l'occupation nazie pour justifier une objection de conscience est une injure monstrueuse. Je passe sur les comparaisons avec la pédophilie, la zoophilie et autres comportements criminels, mais nous devrons revenir sur l'accusation - voilée ou pas - d'incapacité à être de bons parents. Comme le disent certains, le mariage passe encore, mais les enfants ? "U're fracking kidding me ? "

    De l'autre coté, l'accusation systématique d'homophobie et de facisme. Je vais le redire encore une fois, quitte à me faire lyncher encore: tous les gens qui ont manifesté à l'appel de la LMPT ne sont pas homophobes; tous ne sont pas facistes (il faut de ce coté là aller voir Civitas, bien plus crédible).

    Plus sérieux encore : l'homophobie - bien réelle - d'un grand nombre ne peut pas être qualifiée ainsi telle quelle. Le terme est trop violent et cette homophobie est trop diffuse, trop cachée. La qualification tourne à l'insulte pour des gens qui ne comprennent pas parce qu'ils se perçoivent comme tolérants. Au lieu de leur ouvrir les yeux, ça les braque.

    Cette réforme du mariage va donner une meilleure visibilité aux LGBT. Cela va aussi sécuriser les couples. Cela met enfin les orientations sexuelles sur un pied d'égalité. Cependant, l'apprentissage du respect (et non de la tolérance) reste à faire. Nous aurions pu le faire pendant ce débat, la gestion politique nous a interdit cette voie.

    Nous devons commencer maintenant. Cela passe à mon avis par un dialogue. Il ne sera pas facile, il est d'autant plus nécessaire.

    M.

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  24. Bonsoir!
    Merci beaucoup pour ce texte et article sur rue89 qui était très lucide et honnête. Je trouve que votre chemin de réflexion était très beau et intéressant, il faut un grand courage pour regarder autrement le monde et ça peut être douloureux, mais on en ressort plus grand, ayant mis au jour un nouveau pan de soi-même.

    J'ai vécu assez spécialement le débat sur l'ouverture du mariage aux couples homos: les premiers souvenirs de mes parents sont: mon père avec un homme d'un côté, et ma mère seule (elle s'est mariée quelques années plus tard). Je me suis retrouvée au centre d'une famille atypique sans me rendre compte de rien, tout me paraissait normal, je ne me suis même pas trop posée de question sur ma conception (en fait, ce qui est très très bizarre pour moi, c'est d'imaginer que mon père ait pu être avec une femme, comme quoi la normalité, c'est relativement relatif haha). J'ai connu beaucoup de familles "particulières" par la suite, avec divorces, remariages, adoptions, décès, éducation par les grands-parents, homoparentalité par pma... certaines familles semblent comme rafistolées avec des bouts pris par-ci par-là, mais bon, c'est justement là que se trouvent la richesse et la puissance du mot "famille", toutes ont leurs histoires, leurs drames et leurs joies... et partout les enfants grandissent, s'adaptent, et font leur bonhomme de chemin. Bref, dans ma grande innocence, je pensais que c'était acquis pour tout le monde qu'il n'y avait pas deux familles pareilles, et que tant que l'enfant se sentait en milieu stable et entouré d'affection, ça allait. Eh bah non.

    J'étais tentée de raconter en détail comment j'ai vécu ces manifs pour tous, mais finalement je ne crois pas que je vais le faire. Deux mots à la limite: "blessée", "minée". La manif pour tous aura beau dire qu'elle n'était pas homophobe, pourtant d'après ce que j'ai vu et entendu soit c'était de l'homophobie, soit c'était l'exemple parfait de l'adage "l'enfer est pavé de bonnes intentions" (cela rejoindrait assez bien ce que vous dites dans votre article). J'ai réussi à tourner la page depuis, en comprenant que les "antis" étaient bien plus à plaindre que moi. Là où je vois un monde où chacun est un peu fou, où personne n'a eu une vie absolument normale, et où l'humain, s'il est encouragé et aimé par les siens, saura toujours s'épanouir, eux semblent s'enfermer dans un carcan où tout ce qui n'est pas comme eux ne doit absolument pas être placé comme égal à eux, où la liberté d'Être signifie la destruction des valeurs qu'ils aiment (et pourtant, "famille", "vie", "amour", moi aussi je les aime ces valeurs!). M'enfin, la vie est trop précieuse pour la laisser se faire ronger par la haine, et j'essaye de passer outre maintenant.

    En revanche, je ne suis jamais tombée dans la "cathophobie", j'ai toujours connu dans mon entourage des gens très tolérants et de toutes les confessions, ça aide à ne pas faire d'amalgame idiot.
    En tout cas, un témoignage tel que le vôtre montre bien que ce n'est pas tant la religion que l'attachement forcené à une doctrine (religieuse ou athée) qui est dangereux, et que la réflexion humaine n'est jamais limitée, et peut toujours s'enrichir en s'ouvrant de nouveaux horizons, bref ça donne de l'espoir, et ça on en a tous besoin.

    Merci et bonne continuation, j'ai survolé d'autres de vos articles et commentaires, et ce que vous faites est vraiment génial! :)

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    1. Wouaouh. Ce commentaire donne la pêche pour commencer la journée ! :)

      Merci :)

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    2. Que dire si ce n'est que je ne peux qu'approuver un tel commentaire. Je suis d'accord sur tous les points et le dernier en premier. L'amalgame entre une personne, un groupe de personne, et des pratiquants (que ce soit religion ou autre) est souvent fait bien trop rapidement. Que ce soit pour la manif pour tous, qui possédait surement en ses rangs des personnes de bonnes intentions, les religions (toutes) où des extrémistes peuvent donner une image biaisée des individualités qui pratiquent cette religion et qui ne sont pas dans de tels extrêmes, voir même les homosexuels où là les gens sont définis (bien malheureusement) par cette simple homosexualité qui au final n'est qu'un aspect de la personne (qui contribue à sa description sans autant être l'intégralité de la personne en un mot). Les amalgames ne donnent rien de bon. Tout au plus cependant une impression majoritaire peut ressortir (dans le cas de la mpt c'est de la haine liée à l'incompréhension et au refus de la différence par exemple que j'ai ressenti), mais cela ne signifie pas que chaque personne qui compose l'ensemble doive être considéré comme cet ensemble, et non pas comme un humain, libre, unique, et avec sa propre histoire. Bonne continuation à vous (ainsi qu'à darth manu et à ceux qui lisent ceci), en espérant que la vie vous réserve de bons moments et de bonnes surprises.

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  25. Merci pour ce billet qui m’a beaucoup touché et qui a énormément fait écho à ce que j’ai moi-même vécu.

    Catholique pratiquant, mon parcours spirituel un peu atypique et dont je n’ai renié aucune étape m’a donné pas mal de recul face à l’institution et à ses dogmes. J’ai rejoint l’Église catholique, et je ne le regrette pas, pour "le bien que j’y ai vu et par amour pour son unité", pour reprendre tes termes. Mais il y a beaucoup de choses que je ne digère pas, et comme toi, j’essaye de dialoguer avec les fidèles, avec l’institution (via ses autorités, ce qui est nettement plus difficile ^^), et avec les non-catholiques.

    Pour ma part, ça fait des années que je suis favorable au mariage des couples homos. Je suis bi (quoique marié et père de famille), alors certains vont dire que ça aide, mais pas tant que ça, je crois : tout bi que je sois, j’ai commencé (à l’adolescence) par être profondément homophobe. Comme quoi... Mais au moment où j’ai rejoint l’Église, j’avais déjà fait le point dans ma tête sur ces questions.

    Le mariage des couples homos était donc une des rares promesses de Hollande dont j’espérais la réalisation. A ce propos, je voudrais répondre à "Anonyme" sur la question de l’utilisation du terme "mariage". Si, il fallait utiliser le terme "mariage", et pas se contenter d’une "union civile", et ce pour deux raisons :

    a) Il n’aurait pas été garanti que l’union civile en question permette l’adoption des enfants, or il n’y a aucune raison pour empêcher les couples homos d’adopter ;

    b) Plus important encore, utiliser un terme différent pour les couples homos et hétéros aurait été encore une fois une manière de discriminer les couples homos, de les stigmatiser comme différents, alors qu’ils ne le sont pas, ou pas significativement. Utiliser un terme différent serait revenu à faire passer toujours et encore le même message : "quand même, ils ne sont pas comme nous". Bien sûr, je comprends que des chrétiens, des juifs ou des musulmans soient choqués que la République reprenne pour son usage, civil, un terme que leurs religions ont colonisé depuis longtemps (mais pas inventé, faut-il le rappeler). Mais de deux choses l’une : soit on accepte que la République utilise le terme "mariage" pour les couples hétéros, et alors elle doit faire de même pour les couples homos ; soit on ne veut pas qu’elle reprenne un terme utilisé de longue date par les religions, mais alors elle ne doit célébrer aucun mariage. Bref, la nature du couple (homo ou hétéro) ne doit rien changer à l’affaire pour la République : il faut que ce soit ou bien mariage pour tous, ou bien union civile pour tous.

    Je profite aussi de l’occasion pour tendre un autre bâton pour me faire battre : en tant que catholique pratiquant, je suis également favorable à ce que l’Église accorde le sacrement de mariage aux couples homos, ce contre quoi je ne vois absolument aucun argument théologique tenable.

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    1. (suite)

      J’ai donc réagi très tôt sur le sujet. J’ai publié un premier billet sur mon blog à l’occasion de l’élection de Hollande, puis un autre, nettement plus énervé, après la "prière du 15 août" de l’évêque Vingt-Trois, qui a été, selon moi, le point de départ de la mobilisation (et je sentais bien, déjà, que ça risquait fort de déraper). Ensuite, j’ai essayé de synthétiser les arguments, tant civils que religieux, dans deux autres billets, l’un en réponse à Civitas, l’autre en réponse au texte du Conseil famille et société de la Conférence des évêques de France. Puis, j’ai publié pas mal de billets, au gré de l’actualité de la Manif pour Tous, de l’Église et de la sphère politique.

      Mais comme toi, j’ai eu la nette et désagréable impression que, dans leur immense majorité, les opposants à la loi Taubira ne cherchaient pas vraiment le débat, mais plutôt l’anathème. On m’a beaucoup dit que j’aurais mieux fait de ne pas rejoindre l’Église, si c’était pour chercher à la changer. On m’a beaucoup rappelé à mon prétendu devoir d’obéissance au Magistère et à la Tradition. On m’a beaucoup envoyé d’infaillibilité (à laquelle je ne crois pas du tout, elle est logiquement impossible) à la figure. On m’a beaucoup dit que je ferais mieux de me faire protestant.

      Là encore, je peux répondre à ceux qui n’ont pas senti de haine autour d’eux ou dans leur paroisse. Tant mieux pour eux, bien sûr ; et tant mieux pour leurs paroisses, surtout. Ça témoigne qu’il y en a où, même sur un sujet polémique, les relations peuvent être paisibles. Mais moi, je l’ai senti, cette haine. Le moins pire, finalement, ça a été dans ma belle-famille, parce que ce sont des gens bien, gentils et intelligents, et que malgré l’incompréhension et le rejet profonds que leur inspiraient à la fois l’homosexualité, la loi Taubira et ma position réformiste au sein de l’Église, ils sont toujours restés courtois et bienveillants. Ça a été un peu plus difficile dans ma paroisse. J’avoue, moi qui suis plutôt grande gueule, là je ne la ramenais pas trop. Mais quand, sur la feuille de chant de la messe dominicale, j’ai trouvé un petit encart appelant à manifester "au nom de notre opposition à la loi Taubira", j’ai craqué, et j’ai dit publiquement qu’il n’y avait pas de "notre" opposition, que beaucoup de cathos pratiquants étaient favorables à la loi, souvent sans réserve, et que l’Église ne s’honorait pas à faire comme s’ils n’existaient pas. Les gens sont restés polis, bien sûr, mais je ne me suis plus senti intégré de la même manière après ça (c’est une paroisse d’outre-mer, avec un turn-over important, donc les relations ne sont pas aussi anciennes et sans doute pas aussi profondes que dans une paroisse où on connaît des gens depuis très longtemps). Et alors sur les blogs et les réseaux sociaux, où n’existaient plus les barrières de politesse de la vie de tous les jours, ça a souvent été l’hallali.

      Est-ce que ça m’a affecté ? Peut-être moins que d’autres. Christine Pedotti m’a dit un jour, avec beaucoup de justesse, que j’étais trop orgueilleux pour pouvoir être susceptible. Néanmoins, je ne peux pas dire que ces réactions ne m’ont pas touché. Je ne me sentais plus à ma place dans l’Église, tout simplement. J’avais l’impression que l’Église avait changé, qu’elle n’était plus celle qui m’avait baptisé, ou alors qu’elle avait montré un visage que je ne lui connaissais pas, et que je n’aimais pas. Tu dis que tu as pensé à te barrer dans une communauté protestante ; de mon côté, j’attendais le résultat de l’élection du pape, en mars dernier, pour savoir si j’allais ou non rejoindre l’Église vieille-catholique. C’eût été Ranjith ou Scola que je ne serais probablement plus parmi vous (parmi nous ^^). Finalement, François m’a convaincu de rester encore un peu. Il m’a permis de supporter un peu plus sereinement le refus de mourir de la Manif pour tous.

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    2. (suite et fin)

      Pour conclure ce (trop) long commentaire (je devrais le mettre sur mon blog, ça me ferait un billet pas cher), je dirai qu’il y a quand même, à mon sens, une leçon à retenir de tout ça.

      Pendant tout le temps qu’a duré la mobilisation, je me suis beaucoup démené. J’ai discuté des heures et des heures avec ma famille et mes amis, à table, en soirée, sur les réseaux sociaux, par mails. J’ai écrit billet sur billet pour mon blog. J’ai écrit à de nombreux évêques. Et pendant tout ce temps, j’ai eu l’impression d’être très seul… alors que je ne l’étais pas. C’est là qu’à mon sens, il y un problème. J’ai beaucoup l’impression que les catholiques (surtout pratiquants) qui soutenaient le projet de loi ont souvent fait le gros dos en fermant leur gueule et en laissant passer l’orage.

      Je ne peux pas dire que je ne les comprends pas. Pour l’ouvrir, il fallait avoir les reins solides. A la CCBF, on en a discuté, et ça a été très tendu, très houleux, parfois agressif, alors qu’on était entre gens bien et qui s’apprécient, entre amis pourrait-on dire. Alors dans une paroisse lambda…

      Mais quand même, je ne peux pas m’empêcher de me dire que justement, si tous ceux qui soutenaient le projet l’avaient dit publiquement, ça aurait forcément été moins difficile à gérer. L’Église pouvait faire semblant de ne pas entendre une majorité (ou une forte minorité, la question n’est pas vraiment là) silencieuse et atomisée ; je ne pense pas que ça aurait été si simple avec le même groupe parlant haut et s’organisant. Et ça, j’aimerais bien qu’on s’en souvienne pour le prochain débat de société où l’Église s’impliquera à tort.

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    3. Je crois que les cathos pro-mariage homo se sont exprimés, localement et/ou en privé ; ce qui a manqué, c'est une visibilité globale, les initiatives pour tenter de fédérer n'ont pas vraiment marcher. Mais il y a eu au fur et à mesure des lieux et des médias où ils ont pu s'exprimer - en fait, il n'y a guère eu, excusez-moi de radoter, que dans "l'institution" qu'ils n'ont pas pu le faire.
      J'ai proposé à mon curé un débat dans la paroisse ; il a préféré ne pas le faire, par peur des conflits et des conséquences sur la communauté (je précise qu'il a aussi interdit aux anti d'utiliser la paroisse comme tribune). Je crois en fait que les pro- ont été beaucoup plus sensibles au risque de blessure interne à la communauté que ne l'ont été les anti- (il y a évidemment des contre-exemples, ceci est une généralité nécessairement abusive).
      Tout le monde a su assez vite dans ma paroisse quelle était ma position ; autant je n'ai jamais senti d'hostilité, autant je n'ai jamais senti non plus de soutien ouvert - et ma paroisse est plutôt "catho d'ouverture", comme on dit. Chez les pratiquants réguliers, je pense vraiment qu'on était minoritaires.
      Et, pour réagir à un tweet de la TL de Manu, le fait que beaucoup de nos co-religionnaires n'aient pas manifesté, d'une part ne fait pas de la Manif pour tous une manif a-confessionnelle (beaucoup de cathos n'ont pas manifesté ; n'empêche que les manifestants étaient majoritairement cathos), d'autre part ne signifie pas que les "pro" étaient une majorité silencieuse. Peut-être une "forte minorité", oui.
      La grande force des anti- a été leur capacité d'organisation et de fédération. Mais il est toujours plus facile de fédérer "contre" que de fédérer "pour". Ce qui n'empêche pas, comme vous le dites Meneldil, de tenter de faire mieux la prochaine fois ;-)

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  26. Merci d'avoir mis des mots sur cette année,
    sur laquelle je ne parviens pas ou plus à mettre les miens...

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  27. Cela fait du bien de ne pas se sentir seule. Je dois avouer ma lâcheté à ne pas avoir repris sur mon blog les termes du débat que ce soit pour le "Mariage pour tous" ou "la théorie du genre". Lâcheté ou lassitude. Et pourtant, juste montrer que certains cathos ne font pas partie des défilés de béas, c'est bien aussi. Merci pour cet article.

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